Chronique|

Avant de dire non à Apuiat

ÉDITORIAL / Le débat actuel entourant le projet de parc Éolien Apuiat, promis en 2015 par le gouvernement du Québec aux communautés innues, est malsain. Non pas parce qu’on ne devrait pas en discuter, mais parce qu’on devrait le faire sur des bases factuelles et en connaissance de cause, ce qui n’est pas le cas présentement.


On oublie trop facilement que ce projet est d’abord et avant tout une entente entre gouvernements. «Apuiat constitue le premier projet national de la Nation Innue», ont rappelé ces communautés après que la lettre du président d’Hydro, Éric Martel, ait été rendue publique.

Les Innus voient dans ce projet une «occasion de réconciliation historique» avec le gouvernement du Québec et Hydro-Québec. Avec raison.



Plusieurs facteurs influencent le coût projeté. Tout d’abord, selon des personnes qui ont participé aux discussions, Québec aurait imposé le recours à un manufacturier dont l’usine était menacée de fermeture.

Ensuite, les coûts de financement constituent un facteur déterminant. Dans le cas des petites centrales hydroélectriques créées par les municipalités, le gouvernement avait offert des garanties et des prêts avantageux. Il faudrait en tenir compte lorsqu’on veut évaluer le prix relatif de ce projet. Par exemple, dans le cas du projet hydroélectrique de la Romaine, les coût des redevances hydrauliques et des frais de garantie offerts par le gouvernement sont soustraits du prix de revient estimé de l’électricité produite par la nouvelle centrale.

Il faut tenir compte de tous ces éléments lorsqu’on veut faire une comparaison pour estimer les excédents de coûts qu’engendrera le projet Apuiat. Cela réduit de beaucoup l’écart entre l’éolien et l’hydroélectricité, et le chiffre avancé de 1,5 milliard$, pour un projet relativement modeste de 200 MW, apparaît pour le moins discutable.

On oublie aussi qu’Hydro-Québec voulait lier deux autres projets à ces négociations, soit la ligne de transport Micoua-Saguenay, pour transporter l’énergie excédentaire du bassin de la Manicouagan au Saguenay; et le troisième groupe turbine-alternateur à SM-3 qui doit fournir de l’énergie en période de pointe.



Ce sont des dossiers qu’on ne peut tout simplement pas oublier lorsque vient le temps de conclure des négociations qui durent depuis trop longtemps déjà.

François Legault aurait dû faire preuve de plus de prudence au lieu de prendre position pour l’abandon du projet comme il l’a fait. Ce dossier est beaucoup plus complexe que le laissent croire les aparences, et le chef de la CAQ pourra être accusé de saboter ces discussions.

Les négociations sur le contrat d’achat d’électricité avec Hydro-Québec ont été menées au début de 2016 et elles auraient dû se conclure depuis. Il faudrait peut-être se demander pourquoi elles ont été retardées au point où on se retrouve en pleine campagne électorale avec un débat politisé.

On ne peut pas reprocher à Éric Martel de vouloir assurer la saine gestion de la société d’État, ce qui est son premier mandat, mais cela ne justifie pas de se lancer dans une campagne de désinformation qui néglige l’ensemble des enjeux. C’est à la table des négociations que le dossier doit se régler, de bonne foi et sur des bases objectives.

Il est sans doute possible de retarder la mise en production, si c’est nécessaire. De toute façon M. Legault a promis qu’il trouverait des débouchés pour les surplus d’Hydro-Québec. À lui de tenir parole.