Chronique|

Projets éoliens: promesse facile

ÉDITORIAL / Pour un retournement, c’en est tout un: après avoir dénoncé la construction de nouveaux parcs éoliens pendant des années, voilà que le chef François Legault dit vouloir développer cette filière. Ou du moins, ce serait tout un revirement s’il n’avait pas toutes les allures d’une promesse facile, à la limite de l’irresponsable.


«Avec un gouvernement caquiste, Hydro-Québec pourrait avoir besoin de l’énergie éolienne. […] On va être beaucoup plus agressifs pour augmenter les exportations d’Hydro-Québec dans les autres provinces et le Nord-Est américain. On va se retrouver rapidement en déficit d’énergie et là, ça va devenir intéressant de développer l’éolien», a-t-il déclaré en début de semaine.

Ce n’est pas un hasard s’il a montré cette «ouverture» lors d’un passage au Bas-Saint-Laurent : il s’agit d’une région, avec la Gaspésie, où beaucoup d’emplois dépendent des commandes d’éoliennes d’Hydro-Québec. D’ailleurs, sitôt sorti de là, son discours est revenu à la normale avec une étonnante rapidité : pas plus tard qu’hier, la Coalition avenir Québec (CAQ) décrivait le projet de parc éolien Apuiat, sur la Côte-Nord, comme un «sapin de 1,5 milliard $ [que le gouvernement Couillard tente de passer] aux Québécois».

Sur le fond, disons-le, la CAQ a raison de dénoncer les commandes que le gouvernement a longtemps passées à Hydro-­Québec en matière de développement éolien. Pas parce que c’est une source d’énergie particulièrement onéreuse, remarquez : d’après les dernières estimations de l’Agence américaine d’information sur l’énergie, un parc éolien que l’on commencerait à construire demain matin donnerait de l’électricité à 4,8 ¢ le kilowatt-­heure (kWh), soit le même prix que les centrales thermiques (historiquement l’option la moins chère aux États-Unis).

Cependant, comme l’expliquait la Commission sur les enjeux énergétiques il y a quelques années, pour exporter nos excédents d’électricité, il faut des lignes de transport, et celles qui existent sont déjà complètement saturées lors des périodes où la demande est grande et où les prix sont intéressants. Toute production additionnelle ne peut donc qu’être écoulée aux heures de faible demande, quand les prix glissent à 2 ou 3 ¢/kWh, voire moins. Alors même si le prix de l’éolien est compétitif par rapport aux autres formes d’énergie, il n’est pas rentable pour Hydro-Québec dans le contexte actuel.

Mais même s’il a raison sur le poids de l’éolien pour les finances publiques, il est déplorable de voir M. Legault promettre d’accroître les exportations d’Hydro-­Québec comme s’il suffisait de crier «lapin». Les nouvelles lignes de transmission qu’il faut pour exporter davantage sont des projets politiquement complexes et difficiles à faire lever de terre. En témoignent les difficultés toutes récentes du projet Northern Pass, par lequel Hydro devait livrer pour 10 milliards $ d’électricité sur 20 ans vers le Massachusetts. Après avoir obtenu l’approbation du Québec en décembre, il a été bloqué par le New Hampshire en février, puis abandonné par le Massachusetts lui-même. Le contrat signé avec cet État tient toujours en théorie, mais Hydro doit trouver une autre manière d’acheminer son énergie là-bas.

Avant que le Québec n’exporte assez d’électricité pour tomber en «déficit d’énergie», il aura coulé un sacré paquet d’eau dans les barrages. Et pour un politicien qui promet le changement depuis des années, M. Legault vient de montrer une manière remarquablement classique de faire des promesses en l’air dans le seul but de courtiser un segment d’électorat.