Les dernières années ont été chargées pour le trentenaire. Fred Jourdain s’est plongé corps et âme dans la bande dessinée Le dragon bleu, d’après la pièce de Robert Lepage, a participé à plusieurs projets fous du Festival d’été (une basse pour Flea des Red Hot Chili Peppers, des affiches spéciales pour le 50e), a créé une trentaine de dessins du livre Je me souviendrai pendant le printemps érable et a créé toutes les étiquettes de la brasserie Le Trou du Diable. En plus, en juin dernier, il a ouvert avec Virgile Patoine-Danylo la boutique Les trafiquants d’art, qui offre des œuvres d’artistes locaux et un service d’impression et d’encadrement sur la 3e Avenue.
Le dernier projet en lice est une commande de la Société de développement commercial du Faubourg Saint-Jean sur le site de l’ancien théâtre Olympia, une salle de cinéma construite au début des années 1900. L’architecte-paysagiste François Courville et son collège Vincent Morissette ont conçu une marquise et un passage en escaliers orné d’un tapis rouge, alors que la SDC a approché Fred Jourdain, qui a réalisé plusieurs portraits de figures emblématiques du 7e art, pour qu’il crée une murale.
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Plutôt que d’aligner ses dessins de la créature de Frankestein et d’Hitchcock, l’artiste a décidé de puiser dans ses dessins inédits pour créer une grande fête, en noir et blanc. «Il fallait garder du blanc. Le passage est étroit et une murale colorée de 16 pieds par 60 pieds, ça peut devenir écrasant», note-t-il. «Je cherchais des liens avec la rencontre, le regard, le cinéma, je suis tombé sur des images de l’Olympia que j’ai décidé d’intégrer.» Des musiciens tirés de son projet Mosquito Street évoquent les comédies musicales, Pierrot discute avec une starlette, Nosferatu file dans une limousine, un couple à la Casablanca s’enlace, alors qu’un aventurier jauge l’horizon au sommet d’une statue de l’île de Pâques.
La place publique sera inaugurée le 28 juillet et devrait y rester pendant au moins trois ans. L’élaboration de la structure qui accueillera la murale a été confiée aux Trafiquants d’art et l’impression a été effectuée par la compagnie Verbec. Chaque panneau est un cadre immense, où est tendue une toile mèche, légèrement perforée.
La fabrique
Dans le vaste appartement de Fred Jourdain, trois pièces sur six lui servent à créer. À l’avant, il a aménagé son atelier de dessin où doit entrer la lumière du matin, et à l’arrière un atelier numérique, avec ordinateur et tablette graphique, ainsi qu’un atelier d’impression et d’encadrement, qui sert moins depuis l’ouverture des Trafiquants d’art, lui permet d’opérer une petite fabrique d’images.
La pièce qui accueille maintenant son salon contenait auparavant une salle de montre et un espace de stockage. Partout des affiches, des dessins, des photographies.
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«À 17 ans, je faisais des dessins pour Safarir, puis j’ai été assistant encreur pour un studio de bandes dessinées. On recevait les dessins de Spiderman, Batman, les Transformers, Ghostbuster et on faisait l’encrage. Puis j’ai étudié en dessin animé [à Rivière-du-Loup], où j’ai appris à faire mes décors et mes personnages à part», raconte Fred Jourdain, qui compose encore ses images à partir de plusieurs dessins. «Je suis un drôle d’hybride, parce que j’ai appris les techniques traditionnelles, mais j’ai rapidement intégré l’ordinateur, les scanneurs performants, les imprimantes.»
Sur un mur, une image de Picasso dans son atelier bardé de sculptures et de toiles côtoie une photo de Jean Leloup prise par son frère Anthony. En 2011, pendant le projet des Last Assassins, les frères Jourdain ont suivi l’équipe du chanteur. «On voulait faire un projet de bande dessinée, mais Jean étant ce qu’il est, on s’est ramassé à faire du vidéo. On filmait jour et nuit, on faisait du montage, jusqu’à ce que ça commence à tourner en boucle.» Si le projet n’a jamais abouti, l’illustrateur garde tout de même un bon souvenir de cette rencontre inusitée avec celui qu’il a représenté dans trois dessins.
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La visite ouvre des fenêtres sur ses 15 ans de pratique, un parcours auquel il a beaucoup réfléchi ces derniers temps puisqu’un livre est en construction. «Ça m’a permis de me rendre compte qu’il y a une cohérence et des idées fétiches qui reviennent dans mon travail. L’errance, l’esprit de liberté, des personnages campés au milieu d’un décor immense.» Une grande partie est déjà accessible sur son site Web et la sortie du livre physique est prévue dans un an.
Il travaille aussi sur de nouvelles séries, comme Mosquito Street, inspirée de La Nouvelle-Orléans. Il part bientôt sur la côte Est pour explorer la ruralité étatsunienne, visiter la communauté amish de Lancaster et voir des trains à vapeur d’époque. «Quand j’ai fait Le dragon bleu, j’ai passé deux ans à illustrer la Chine sans y avoir mis les pieds. J’aime me documenter, je lis beaucoup, mais maintenant que je peux me permettre de partir, je vais le faire», annonce l’artiste.