La répression policière du G7: «une honte pour notre démocratie»

Quand un gouvernement déploie autant d’efforts pour surveiller sa population, «il la dissuade clairement d’exercer son droit le plus fondamental, celui de pétitionner et, par extension, de manifester», déplore Amir Khadir.

La manifestation unitaire contre le G7 — une initiative de la Coalition pour un Forum Alternatif au G7 — s’est déroulée sans heurts samedi, devant un effectif policier encore une fois imposant. Les organisateurs n’ont d’ailleurs pas manqué de critiquer celui-ci, parlant d’un «État policier» dont la répression sert les intérêts politiques et empêche la libre expression.


Égalité des sexes, préservation de l'environnement, manque de transparence politique, politiques néolibérales, l'austérité ou encore la privatisation des services publics: la manifestation unitaire contre le G7 a défendu son lot d'enjeux, samedi. Au centre de l'indignation toutefois, la répression policière et les mesures de sécurité «démesurées» ont monopolisé les discussions. 

Reçu par les policiers plusieurs jours avant le rassemblement, l’itinéraire de la manifestation a été respecté à la lettre. 

Depuis la colline Parlementaire, la foule s’est d’abord rendue jusqu’au Château Frontenac, par la rue Saint-Louis, avant de passer près de l’hôtel de ville et de revenir vers la place d’Youville par la rue Saint-Jean. Les manifestants sont finalement revenus devant la fontaine de Tourny, aux alentours de 17h. 

«Du gaspillage», dit Khadir 

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, et le candidat solidaire Sol Zanetti, étaient de la manifestation. Ancien porte-parole du parti fondé en 2006, M. Khadir s’est indigné du «gaspillage de fonds publics» que sont selon lui les imposants effectifs policiers, en entrevue avec Le Soleil

«C’est une honte pour notre démocratie, tranche-t-il. On l’avait dit, nous, il y a quelques jours, c’est de l’argent qu’on jette aux poubelles et qui pourtant n’est pas nécessaire.» De toute évidence, ajoute-t-il, certaines personnes bénéficient de cette surexposition policière. «Il y a des gros contrats pour on ne sait pas qui à quelque part.»

Quand un gouvernement déploie autant d’efforts pour surveiller sa population, «il la dissuade clairement d’exercer son droit le plus fondamental, celui de pétitionner et, par extension, de manifester», déplore le député de Mercier.

Il estime qu’il ne vaut pas la peine, pour un État qui se revendique démocratique, d’empêcher les citoyens de s’exprimer «pour empêcher que quelques vitrines ne soient cassées». 

Aux yeux du politicien, la seule utilité de l’anti-émeute, de la Sûreté du Québec ou de toute force policière, pendant ce Sommet du G7, aura été «de faire peur à des milliers de gens» en portant carrément atteinte à leur liberté. 

En tête de la manifestation, une pancarte affichant la tête de Justin Trudeau parlait du premier ministre comme d'un «grand parleur, mais petit faiseur».

Campagne de peur

Chaudement applaudi par la foule et appuyé par plusieurs de ses collègues porte-paroles, Vincent Baillargeon, de la Coalition pour le droit de manifester à Québec, a vivement dénoncé «la campagne de peur» et la répression policière des derniers jours. Celle-ci aurait, selon lui, dissuadé plusieurs citoyens de venir manifester.

Selon lui, les chefs d’État du G7 ont eu terriblement tort que d’imaginer qu’un appareil judicaire, médiatique, politique et militaire suffirait à abattre la hargne des manifestants. 

«Si l’Histoire nous a appris quelque chose, c’est que jamais une population ne doit laisser son droit de manifester aux oubliettes», a-t-il lancé à la foule en pleine place d’Youville. 

«À chaque entrave à la libre-expression, à chaque bris de clôture, à chaque criss d’hélicoptère qui patrouille, ça nous dit qu’on doit sortir dans la rue, a-t-il ajouté. On ne devrait pas avoir honte de manifester, c’est eux [les dignitaires du G7] qui devraient avoir honte d’être cachés dans leur château.»

S’adressant ensuite directement aux politiciens de l’Assemblée nationale, M. Baillargeon a condamné une grave erreur de leur part. «Ils sont toujours plus intéressés par la visibilité que par le fait de s’assurer que le droit de manifester est vraiment respecté. Sachez que vous avez échoué à votre devoir.»

Faire tomber les sanctions

En point de presse, peu avant le début de la manifestation, les trois porte-paroles de la Coalition pour un Forum Alternatif au G7 — Anne-Valérie Lemieux Breton, Gilles Vaillancourt et Dominique Daigneault — ont eux aussi tous condamné le travail des policiers au courant des derniers jours. 

Visiblement indignée, Mme. Lemieux Breton a exigé la libération de tous les manifestants qui ont été arrêtés depuis jeudi dernier. «On demande que toutes les personnes incarcérées soient libérées sur-le-champ, et que les charges tombent», exprime-t-elle.

La seule violence qui a été vue dans les rues de Québec, selon elle, provient directement de l’antiémeute. «Jeudi soir déjà, on poussait les gens des trottoirs et on interdisait carrément de sortir de la manifestation. On parle d’un geste clairement provocatif», poursuit la porte-parole.

Son collègue, Gilles Vaillancourt, a de plus souligné qu’un nouveau modèle de concertation à l’international devrait être pensé pour l’avenir. «Le G7, on le voit, n’est pas une plateforme légitime, lance-t-il. Sur la question des inégalités, par exemple, on se demande pourquoi ce ne serait pas tous les pays du monde qui sont convoqués pour traiter de la question.»

Malgré l’opposition de tout un système, Dominique Daigneault a pour sa part insisté sur la nécessité des rassemblements populaires en marge du sommet international. «Même s’il y a un appareil régressif immense, c’est essentiel de faire connaître nos positions. Sinon, de rester les bras croisés, c’est d’ouvrir la porte plus grand encore à plus d’exploitation. C’est pour ça qu’on prend la rue.»

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UN CABARET D'HUMOUR SUR LE G7

Samedi, en début de soirée, l'humoriste Fred Dubé organisait un spectacle humoristique en compagnie de Guillaume Wagner et du duo Sèxe Illégal, au centre Lucien-Borne sur le chemin Sainte-Foy. L'événement a fait salle comble dès le départ, comme prévu. 

Le Front commun comique, de son nom, avait pour objectif d'offrir un spectacle unique, jamais reproduit ailleurs, mais aussi de laisser parler un espace engagé et de laisser plus de place aux intellectuels sur scène. L'événement concluait en quelque sorte les trois jours de G7 dans la capitale. 

«On est contre le G7, c’est un show qui est anti-G7», avait déclaré Fred Dubé au Soleil plus tôt cette semaine, dans un article où il expliquait les raisons qui le poussent à manifester lui-aussi. Par l'humour et les réflexions, celui qui est également chroniqueur pour divers médias dans la province visait samedi à «réanimer une utopie révolutionnaire pour qu’on recommence à rêver». 

En début de spectacle, Dubé s'est évidemment permis des petites blagues sur le déroulement du G7 dans les derniers jours. «La zone de libre-expression [à La Malbaie], c'est grâce aux humoristes. Parce qu'il y a deux ans, mesdames et messieurs, aux Olivier, on a défendu la liberté d'expression en se mettant un X rouge, pour vous autres les petits pains», a-t-il lancé sur un ton ironique, provoquant rires et cris dans la foule.

Sur un ton plus sérieux, l'humoriste a affirmé que la liberté d'expression — l'un des plus beaux mots de la langue française, selon lui — est essentielle, mais «en danger» en ce moment.

«Ça se voit quand il y a plus de polices que le groupe de manifestants qui, pourtant, dit des choses scientifiquement exactes. Heille, faisons attention à la planète [il cogne sur son micro pour illustrer des coups]. Criss, t’as pas lu le mémo man?» a-t-il ensuite lancé. 

L'humoriste Fred Dubé en pleine performance au centre Lucien-Borne