Procès de la policière Isabelle Morin: le motocycliste pouvait être en fuite, dit la défense

L’expert ingénieur Jean Grandbois a calculé qu’au début du freinage, le motocycliste Jessy Drolet roulait au minimum à 134 km/h sur sa moto.

Jessy Drolet roule à 150 km/h sur sa moto sport dans la zone de travaux routiers. Il voit les gyrophares et pense avoir été pris au radar. Il ralentit promptement et reste à 110 km/h durant une seconde ou deux. Puis, il décide de fuir la police et accélère à 130 km/h. L’autopatrouille vire devant lui. Il freine, mais c’est trop tard.


Pour la défense, ce scénario explique le mieux la collision et concorde avec tous les éléments physiques de la scène.

L’expert ingénieur Jean Grandbois se garde bien de dire que c’est ce qui est arrivé sur l’autoroute Laurentienne, le soir du 10 septembre 2015. «Mais c’est le scénario le plus plausible», a-t-il dit. 

L’expert ingénieur avait aussi témoigné en défense pour le policier Simon Beaulieu, acquitté de conduite dangereuse et négligence criminelle causant la mort.

M. Grandbois a calculé qu’au début du freinage, le motocycliste Jessy Drolet roulait au minimum à 134 km/h sur sa moto Suzuki Hayabuza, une des plus rapides de sa catégorie. Une vitesse de 140 km/h au début du freinage d’urgence est encore plus probable, précise M. Grandbois.

Les reconstitutionnistes en scène de collision de la Sûreté du Québec (SQ) arrivent eux à une vitesse minimale de 114 km/h au début des traces de freinage.

La vitesse édictée par le ministère des Transports à cet endroit du chantier routier était de 90 km/h.

Jean Grandbois est convaincu que la SQ aurait obtenu la même vitesse que lui si elle avait tenu compte, dans ses calculs, d’éléments comme la déformation de la moto, la décélération lorsque le motocycliste a lâché les gaz, le freinage avant les marques au sol et le déplacement de la moto après l’impact.

Débat sur la visibilité

La Sûreté du Québec en arrivait à la conclusion que la policière n’avait pu voir la moto que 5,4 mètres avant l’impact. Selon la théorie de cause de la Couronne, la patrouilleuse n’avait pas la visibilité requise pour faire sa manœuvre en toute sécurité.

L’expert de la défense n’est pas de cet avis et déplore que la Sûreté du Québec n’ait pas analysé ni testé la visibilité que la policière pouvait avoir sur les 250 mètres avant l’impact. 

Lors de la reconstitution de la SQ, des balises de signalisation avec poignée sur le dessus ont été utilisées plutôt que des balises sans poignée, comme celles installées le soir de la collision.

Cette différence de 14 cm a pu fausser l’évaluation policière de la visibilité qu’avait Isabelle Morin, croit l’expert de la défense.

Après avoir calculé les pentes, les distances et les hauteurs, Jean Grandbois estime lui qu’Isabelle Morin avait une vision parfaitement dégagée devant elle sur 220 mètres, exception faite pour une portion de 50 mètres.

L’ingénieur mandaté par la défense croit aussi qu’il était possible pour le motocycliste de réaliser que l’autopatrouille s’apprêtait à effectuer un virage. Il fallait, tout en roulant, observer «que la largeur de l’écartement des deux phares avant ainsi que de la largeur visible des gyrophares diminuait à cause de l’angle du véhicule». 

Dans son rapport, Jean Grandbois indique que les gyrophares de la policière ont été allumés durant «plusieurs secondes» avant l’impact. Des automobilistes qui suivaient l’autopatrouille ont témoigné à la cour avoir vu les gyrophares allumés à peine quelques secondes. La policière Isabelle Morin parlait elle d’une période d’au moins 20 secondes.