Les formations politiques ne peuvent pas passer à côté des enjeux légaux qui concernent les couples, les parents et les enfants.
L’ajout de places en garderie ou de congés familiaux, la distribution de chèques à la rentrée sont certes plus simples et plus faciles «à vendre» aux familles et aux électeurs que d’annoncer qu’on est prêt à revoir le statut des conjoints de fait ou le partage du patrimoine familial, à reconnaître un troisième parent ou un contrat avec une mère porteuse.
Même si elle s’avère complexe et qu’elle risque de susciter des remous, une mise à jour du droit de la famille est cependant nécessaire. Le gouvernement Couillard a en main depuis 2015 un volumineux rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille. Celui-ci avait été formé à la suite d’une décision rendue en 2013 par la Cour suprême dans la cause opposant Lola et Éric.
Depuis, le dossier n’a pratiquement pas évolué. La poussière s’accumule sur le rapport du comité consultatif. Si bien que la Chambre des notaires, rappelant sa mission de protection du public, a mis en place une commission citoyenne sur le droit de la famille. Celle-ci, coprésidée par le professeur en droit Alain Roy, a commencé ses auditions lundi à Montréal, et s’arrêtera d’ici le 19 juin à Saguenay, Gatineau, Sherbrooke, Québec et Rimouski.
Si les politiciens craignent de heurter des «clientèles», la commission pose la question qu’ils n’osent formuler. «Déclin du mariage, essor de l’union de fait, homoparentalité, maternité de substitution, adoption internationale : devant l’évolution des cellules familiales au cours des quelque 40 dernières années, se pourrait-il que le droit de la famille ne soit plus tout à fait en phase avec le vécu des couples et des familles québécoises?»
Les sept commissaires estiment que leur travail permettra à la population de s’exprimer et aux élus de mieux saisir les besoins en matière de droit de la famille. L’objectif : fournir aux adultes et aux enfants une protection juridique appropriée.
L’actualité a fourni ces derniers mois des exemples de trous et de zones grises. Un juge de la Cour supérieure suggérait récemment au gouvernement de reconnaître qu’un enfant puisse avoir trois parents. Les médias ont aussi fait état du cas d’un couple gai qui a eu recours à une mère porteuse, mais qui s’est retrouvé devant le refus de celle-ci de signer le consentement à l’adoption.
D’autres histoires ne sont pas médiatisées, mais se révèlent néanmoins difficiles pour des hommes et des femmes qui réalisent que l’union de fait qui se brise après 20 ans peut les plonger dans une situation financière précaire. Par exemple, en cas de séparation, pas de compensation possible pour le membre du couple qui aura mis de côté sa carrière pour s’occuper des enfants.
Le mariage soulève aussi des questionnements. La Commission demande si Québec pourrait permettre aux conjoints mariés qui n’ont pas d’enfants en commun de se soustraire aux protections qui leur sont données par le mariage, notamment le patrimoine familial. L’existence des familles recomposées l’incite aussi à s’interroger sur le droit des beaux-parents de pouvoir maintenir des liens avec un enfant.
Parce que nous sommes en 2018, parce que les familles ont considérablement changé depuis 40 ans, le prochain gouvernement peut difficilement faire l’économie d’une refonte.