Mort de la petite Rosalie: la ministre Charlebois veut «tout savoir»

Jessica Verret, 19 ans, s’est présentée samedi sur l’avenue de Gaulle pour déposer une peluche. La jeune femme avait le cœur gros, elle-même mère d’un poupon de 11 mois. Elle a dit avoir fréquenté Audrey Gagnon, la mère de Rosalie et principale suspecte dans cette affaire, il y a quelques années dans un centre jeunesse.

«Je veux tout savoir.» La ministre responsable de la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, a ordonné une enquête afin de déterminer si le système a failli à protéger la petite Rosalie Gagnon.


Après deux jours de réflexion au cabinet de Mme Charlebois et quatre jours après le décès de la fillette de deux ans, la ministre a confié samedi une enquête à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). 

Le mandat se veut très large, a expliqué Lucie Charlebois en entrevue au Soleil. «Dans l’ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, est-ce que les services ont été offerts?» demande-t-elle. «Est-ce qu’on a pris toutes les mesures pour soutenir le milieu de cette enfant-là avant que n’arrive ce tragique événement?»

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Une pétition pour que le nom de Rosalie Gagnon perdure

Rosalie Gagnon a été trouvée sans vie dans un bac à ordures, mercredi, à Québec. L'autopsie a révélé qu'elle avait été tuée à l’aide d’une arme blanche. Sa mère, Audrey Gagnon, est la principale suspecte dans cette triste histoire.

Toxicomane ayant des antécédents judiciaires, notamment pour une agression armée en 2014, elle a été arrêtée pour meurtre jeudi matin mais n’a pas encore été accusée du crime. Le Soleil rapportait jeudi qu’elle ne se rendait plus aux rencontres des Narcotiques anonymes depuis plusieurs semaines. Diverses sources ont témoigné de graves problèmes de consommation. 

Prenant acte des révélations dans les médias et d’autres informations venues à ses oreilles, Mme Charlebois veut maintenant y voir clair. «Il y a beaucoup de commentaires [et d'informations] qui s’ajoutent, mais je n’ai aucun élément qui me dit si tous ces commentaires-là sont vrais ou faux. […] Honnêtement, je ne peux pas laisser ça de même», a-t-elle tranché. «Je n’ai pas d’autre choix que de prendre mes responsabilités de ministre.»

Des questions sans réponses

À l’heure actuelle, l’élue a davantage de questions que de réponses. «Est-ce que la famille a été accompagnée par des intervenants? Est-ce que les services étaient suffisants, accessibles, adéquats? C’est tout ça que je veux savoir», a-t-elle énuméré. «Je ne sais pas où était le dossier de cette enfant-là. […] Je ne sais pas s’il y a eu un signalement [à la Direction de la protection de la jeunesse]. Est-ce qu’on s’est rendu là?»

À savoir si elle avait des doutes sur le travail effectué par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de la région de Québec, Mme Charlebois a indiqué qu'elle voulait évaluer la situation dans son ensemble.   

Jeudi, elle affirmait que des éléments allaient être analysés. «Il y a certainement des raisons pour lesquelles la DPJ a laissé l’enfant à sa mère», avait dit la ministre en référence à certaines informations voulant que la DPJ était dans le dossier de la petite victime.

À l'heure actuelle, la ministre Lucie Charlebois a davantage de questions que de réponses.

Rapport et recommandations

À lui seul, le triste de sort de Rosalie l'avait déjà convaincue qu'une enquête était justifiée, a-t-elle confié samedi. «Écoutez, l’enfant est décédée. C’est déjà un motif raisonnable de déclencher une enquête. [...] Je voulais prendre le temps de réfléchir [et] déterminer la portée de ce que je voulais demander», a-t-elle expliqué, admettant avoir été sonnée par la nouvelle. «Déjà le fait qu’on retrouve le corps d’une enfant de deux ans dans une poubelle, ça m’a dérangée sérieusement.»

La CDPDJ aura à fournir un rapport de ses découvertes à la ministre et à émettre des recommandations. «Je pense que c’est l’instance la plus appropriée, qui va nous faire des recommandations sérieuses sur lesquelles je pourrai m’appuyer pour poser des gestes.»

L’enquête de la Commission pourra se dérouler en parallèle de l’enquête policière, qui était toujours en cours samedi. «Ils peuvent même travailler ensemble», a souligné la ministre.

Le rôle de la DPJ

Dans la foulée du meurtre de Rosalie Gagnon, la directrice de la protection de la jeunesse de la Capitale-Nationale, Dominique Jobin, avait expliqué de manière générale de quelle façon son organisation traite ses dossiers. La Loi sur la protection de la jeunesse lui interdisait toutefois de dire si le cas de la petite Rosalie avait été signalé.

La DPJ tente notamment de maintenir «le plus possible dans leur milieu familial», avait-elle affirmé. L'organisation «va tout mettre en œuvre pour soutenir le parent pour qu’il puisse continuer de jouer son rôle parental», avait aussi rappelé Mme Jobin, précisant que 60 % des enfants suivis par la DPJ sont dans leur milieu familial.

Dans le cas de parents toxicomanes ou ayant des antécédents judiciaires, une intervention n’est pas nécessairement effectuée. «Si les parents qui ont des problèmes de toxicomanie prennent des moyens pour corriger leurs problèmes et que ces moyens-là sont sérieux, qu’il y a un engagement ferme avec des organismes sérieux, alors on va les suivre et les accompagner. [...] Ce n’est pas un cas unique de voir un parent avec des antécédents judiciaires ou des problèmes de toxicomanie qui a la garde de son enfant, et ça ne fait pas nécessairement de ce parent-là un mauvais parent», avait-elle exposé. 

L’enfant peut être retiré de son milieu familial s’il y a absence de collaboration de la part du ou des parent(s), et qu’il y des risques pour sa sécurité et son intégrité physique.