Prenez le cannabis par exemple qu’on va légaliser très bientôt au Canada.
À en entendre certains, la légalisation va sonner le début du party. Des hordes de junkies vont envahir les rues, les automobilistes conduiront gelés comme des balles, une odeur de pot va s’étendre sur tout le pays.
Le paradoxe, c’est que le cannabis a beau être la drogue qui envoie le plus de monde en prison au pays, elle figure au bas de la liste des substances qui causent une dépendance. À ce compte-là, la nicotine contenue dans les produits du tabac est beaucoup plus nocive.
Soixante pour cent des gens qui consomment du tabac ne peuvent plus s’en passer, selon des études. Dans le cas de la cocaïne ou de l’alcool, le taux de dépendance tourne autour de 20 %.
Le pot ?
Seulement 9 % des gens qui en consomment en deviendront dépendants.
Si on était logique avec nous-mêmes, on devrait emprisonner ceux qui fument du tabac, pas ceux qui se gèlent la bine !
« C’est fascinant de constater qu’on a une relation inversement proportionnelle entre le potentiel addictif d’une substance et la lourdeur des peines légales associés à la consommation ou à la possession de ces substances », remarque en riant Didier Jutras-Aswad, psychiatre et chercheur au CHUM.
Le psychiatre prononçait une conférence jeudi matin, en ouverture des Journées Montfort, un grand congrès de médecine francophone à Ottawa. Devant un parterre de professionnels de la santé, il a insisté sur l’importance de ne pas diaboliser le cannabis à quelques mois de la légalisation.
Le pot peut être nocif pour la santé, mais sans être aussi dangereux que les opioïdes par exemple, qui font des centaines de morts aux États-Unis et au Canada, a rappelé le psychiatre.
Il reste, et c’est loin d’être banal, que le cannabis peut avoir des effets dangereux pour la santé de certaines personnes à risque de développer une maladie mentale comme la schizophrénie.
Chez les gens qui commencent à fumer du pot très jeune, le risque de développer une dépendance grimpe à une chance sur 6. Dans le cas des gros consommateurs, qui grillent un joint tous les jours, on parle d’une personne sur deux.
Or l’un des enjeux liés à la légalisation, c’est qu’il n’existe pas de traitements pharmacologiques pour traiter la dépendance au pot.
Contrairement à d’autres substances comme les opioïdes, l’alcool ou la nicotine, il n’y a pas de médicaments pour aider les gens désireux de cesser la consommation de cannabis.
Les traitements actuels ne font que soulager, avec plus ou moins de succès, les symptômes du sevrage comme l’anxiété ou l’insomnie.
Quelqu’un dans l’audience a demandé au Dr Jutras-Aswad si de nouveaux médicaments seraient bientôt disponibles. « Pour l’instant, on a très, très peu à offrir à quelqu’un qui développe une dépendance au cannabis. Il y a un besoin urgent de développer de nouveaux médicaments pour traiter les gros consommateurs qui ressentent fortement les effets du sevrage. »
N’empêche que j’ai bien aimé le message du psychiatre. En matière de légalisation, a-t-il rappelé, tout est question de trouver le juste équilibre entre ne pas trop restreindre et ne pas trop permettre.
Il n’est pas sûr que de permettre de cultiver des plants à la maison est une bonne idée, parce qu’on ne pourra pas contrôler la qualité du produit. Mais il est d’accord de fixer l’âge légal de consommer avant 25 ans pour éviter que les jeunes continuent de se procurer du pot sur le marché noir.
« J’ai l’impression qu’au Canada, on s’approche du bon équilibre sur certains enjeux ». Il a dit qu’il fallait viser le sweet spot. Ou devrait-on dire le sweet pot ?