S’il n’est pas exclu d’emblée, le débat autour de la légalisation des «mères porteuses» rémunérées n’est donc pas bienvenu non plus.
D’un point de vue féministe, on peut voir dans ce type de transaction une façon de transformer le corps des femmes en marchandise.
La ministre de la Condition féminine, Hélène David, soutient qu’il faut aborder cette question avec d’infinies précautions, car il s’agit là d’une «question d’une immense complexité».
Reconnue pour ses positions féministes, Mme David a refusé mardi de condamner clairement la pratique, tout en évitant de l’endosser.
«La question de la rémunération n’est pas une petite question. C’est une question d’une très grande importance et je vais être d’une grande prudence dans la réponse oui ou non là-dessus», a-t-elle dit, lorsqu’elle a été questionnée à savoir si Québec devait faire comme Ottawa et lancer le débat sur la légalisation des contrats de procréation rémunérée pour autrui.
«Je ne dirai pas ce matin que je suis pour la rémunération», s’est-elle contentée de dire, quand elle a été invitée à énoncer sa position sur le fond de la question, lors d’une conférence de presse portant sur un autre sujet.
Son collègue de la Santé, le ministre Gaétan Barrette, a quant à lui refusé de se prononcer sur le sujet.
La semaine dernière, le premier ministre Philippe Couillard a semblé ouvert à tenir un débat non partisan sur ce sujet controversé, en affirmant qu’il fallait «prendre le temps d’avoir un débat qui va être long là-dessus», puisqu’il s’agissait d’une «question excessivement délicate».
De retour dans l’actualité
Le sujet est revenu dans l’actualité récemment quand un député libéral fédéral, Anthony Housefather, a dit qu’il déposerait un projet de loi à la Chambre des communes visant à légaliser cette pratique.
Loin de prendre ses distances, le premier ministre Justin Trudeau a renchéri pour dire que le débat sur cet enjeu était devenu incontournable.
Depuis, certains ministres de son cabinet se sont montrés ouverts à l’idée de légaliser la rémunération des mères porteuses, d’autres ont exprimé leurs réticences.
La ministre fédérale de la Condition féminine, Maryam Monsef, est du côté de M. Housefather, se disant favorable à «une conversation opportune» sur cet enjeu.
Le Code criminel interdit la pratique selon laquelle on payerait une femme pour faire un enfant. Au Québec, les contrats signés entre une mère porteuse et les futurs parents de substitution n’ont aucune valeur légale, en vertu du Code civil.
Au début de son mandat, le gouvernement Couillard devait entreprendre une vaste réforme du Code civil et du droit familial, pour traiter notamment de ces questions.
Le professeur de droit Alain Roy, un expert en la matière, avait produit un rapport étoffé de 600 pages, en 2015, assorti de 82 recommandations, à la demande du gouvernement précédent. Son rapport, qui examinait notamment les règles de filiation, mettait l’accent sur les droits de l’enfant, quelles que soient les conditions dans lesquelles il avait été conçu.
Mais le rapport a été placé sur une tablette et le projet de réforme a été mis de côté par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée.
Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, a déploré le retard pris dans ce dossier, tout en se disant d’accord avec l’idée du débat à faire.
«Non seulement on devrait le faire, mais on aurait dû commencer à le faire il y a trois ans», a-t-il fait valoir, ajoutant que ce type de débats doit se faire en début de mandat, pas à quelques mois d’une campagne électorale.