Un budget aux grandes dépenses

Le gouvernement Couillard déploiera pour 3,7 milliards $ de nouvelles mesures en cette année électorale. Les nouvelles dépenses n’avaient jamais atteint un tel niveau depuis son élection en avril 2014.


En dévoilant son dernier exercice budgétaire avant le prochain scrutin, le ministre des Finances, Carlos Leitão, a fait valoir que la «forte croissance économique» enregistrée au Québec rend possible ces dépenses supplémentaires. Il doit malgré tout puiser dans la «réserve de stabilisation» gouvernementale pour y faire face et maintenir l’équilibre budgétaire.

«Avec ce budget, nous voulons renforcer la confiance et bâtir ensemble l’avenir du Québec», a déclaré mardi M. Leitão à l’Assemblée nationale.

L’énoncé budgétaire contient une pléthore de gros chiffres. Ils courent sur les cinq prochaines années. «D’ici 2022-2023, nous consacrerons des ressources additionnelles de près de 600 millions $ pour donner plus de temps de qualité aux familles, et pour mieux soutenir les proches aidants et les aînés», s’est félicité le ministre en se projetant au-delà du mandat de l’actuel gouvernement.

La «réserve» à la rescousse

Pour financer une partie des nouvelles dépenses de 2018-2019, et pour ne pas faire apparaître de déficit, le gouvernement a décidé de piger plus de 1,5 milliard $ dans la réserve de stabilisation.

S’il est réélu l’automne prochain, et s’il s’en tient à ce qu’il a inscrit dans les documents budgétaires, il puisera 3 milliards $ dans cette réserve d’ici trois ans — une réserve qui est dotée de 5,4 milliards $. Encore là, il évitera ainsi de créer des déficits, ce qu’il n’a de toute façon pas le droit de faire en raison de la loi sur l’équilibre budgétaire.

Ce qui démontre hors de tout doute qu’il s’agit d’un budget «électoraliste», selon le Parti québécois et la Coalition avenir Québec, c’est la croissance des «dépenses de missions» du gouvernement. Elle caracolera à 4,7% en cette année électorale, mais chutera à 2,8% en 2019-2020 et à 2,6% en 2020-2021, d’après les données des Finances.

La «forte croissance économique» dont a parlé Carlos Leitão a été de 3% l’an dernier, mais attention: elle glissera à 2,1% cette année et à seulement 1,7% en 2019, selon les prévisions du ministère des Finances du Québec.

Les transferts fédéraux ont bondi de 12,3% en 2017-2018, ce qui a contribué à l’embellie des finances publiques pour l’année s’achevant le 31 mars. La croissance de ces transferts doit toutefois descendre à moins de 5% au cours des 12 prochains mois et en 2019.

Taxi, habitation, justice, culture, PME…

Après les particuliers, les PME ont droit à des allègements fiscaux, notamment à travers une réduction de la taxe sur la masse salariale.

Le cinquième budget de Carlos Leitão embrasse large. Il y est aussi question de taxi et de l’achat d’une première habitation. Un crédit d’impôt non remboursable de quelque 700 $ sera institué pour une telle acquisition.

Le gouvernement promet aux municipalités un appui de 62 millions $ sur deux ans pour les aider à faire face aux responsabilités qui seront les leurs avec la légalisation du cannabis. Les modalités de ce soutien demeurent toutefois à négocier.

Le système de justice verra son budget croître de 500 millions $ d’ici 2022-2023, selon le plan gouvernemental.

Les dépenses du ministère de la Culture et des Communications augmenteront de 11% en 2018-2019.

L’enveloppe du Plan québécois des infrastructures 2018-2028 doit de son côté grimper de plus de 9 milliards $, ce qui portera son total à plus de 100 milliards $. C’est «l’effort le plus ambitieux jamais déployé par un gouvernement», a fait valoir le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand.

Attention! Pour que les mesures contenues dans le budget 2018-2019 entrent en vigueur, le ministre des Finances devra présenter et faire adopter d’ici la mi-juin un projet de loi omnibus modifiant pas moins de 12 lois.

Compliqué, le commerce électronique

Dans les documents budgétaires, le gouvernement s’engage à modifier le régime de la TVQ afin que les fournisseurs de biens non matériels sans présence physique au Québec (comme Netflix) aient l’obligation de s’inscrire à Revenu Québec. La mesure serait en vigueur le 1er janvier prochain.

Dans le cas des fournisseurs situés dans le reste du Canada, cette obligation doit également s’appliquer à la perception et au versement de la TVQ pour les biens tangibles; des vêtements, des pelles ou n’importe quoi d’autre. Pour ce qui est des biens tangibles provenant non pas du reste du Canada mais de l’étranger, Québec devra s’en remettre à l’Agence des services frontaliers du Canada.

Aux Finances, on reconnaît que la perception de la TVQ pour les biens tangibles constitue un problème plus compliqué à résoudre que pour les biens intangibles. À tel point que le ministère prévoit récupérer d’ici cinq ans une partie seulement de ce qu’il serait en droit de recevoir. Il évalue ses pertes fiscales en la matière à 270 millions $ par année.

«Fin de régime»

Pour le péquiste Nicolas Marceau, ce budget n’est qu’un «geste désespéré des libéraux pour conserver le pouvoir». Gardant un œil sur la Coalition avenir Québec, il a estimé que «la recette libérale — couper pour ensuite baisser les impôts — sera plus salée si elle est servie par la CAQ».

Relevant que le cinquième budget de Carlos Leitão établit un cadre financier courant sur les cinq prochaines années, le chef caquiste, François Legault, a affirmé que le rendez-vous électoral du 1er octobre tombait bien.

«C’est un budget de fin de régime», a lancé son collègue François Bonnardel, qui a été plus mordant que son chef.

La solidaire Manon Massé a résumé à sa façon les cinq budgets du gouvernement Couillard: «On recule de quatre pas, on avance de deux et on fait croire au monde qu’on a avancé.»

Pour le ministre des Finances, ce budget ouvre l’avenir.