Martine Ouellet menace de poursuivre «La Joute»

«L’indépendance, il faut en parler tout le temps, tous les jours, sur toutes les tribunes, de toutes les façons», a réitéré vendredi la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet

Selon elle victime de «graves» propos diffamatoires, la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, a retenu les services de l’avocat Guy Bertrand et menace de poursuivre les panélistes de l’émission «La Joute», diffusée sur LCN. D’autres médias pourraient également recevoir une mise en demeure.


En conférence de presse à son bureau de Grande Allée vendredi après-midi, Me Bertrand a rendu public le contenu d’une mise en demeure envoyée le 19 mars au Groupe TVA, à l’animateur de La Joute Paul Larocque ainsi qu’aux commentateurs politiques Bernard Drainville, Luc Lavoie et Caroline St-Hilaire.

On soutient dans la missive qu’un passage de l’émission d’analyse politique, le 8 mars dernier, a porté atteinte à la réputation, à l’honneur et à la dignité de la politicienne. La démarche de Mme Ouellet est personnelle, a précisé Me Bertrand, qui a assuré que le Bloc québécois ne payait pas pour les frais d’avocat. 

Le segment litigieux concerne la proposition de la chef bloquiste de «régler le différend qui l’opposait aux sept députés démissionnaires par la voie d’un référendum interne». Cette idée a été qualifiée par le panel de «manœuvre douteuse, malhonnête, stupide et absurde»; «que la question qui va être posée [pour ce référendum] va être écrite pour qu’elle obtienne ce qu’elle veut».

Selon l’avocat, c’est le mot «malhonnête» qui a le plus durement ébranlé Mme Ouellet, sa mère et ses deux enfants. «Le mot malhonnête, c’est inacceptable, ça peut être la fin d’une carrière [politique]», a tonné Me Bertrand, un membre fondateur du Parti québécois qui ne cache pas son appui politique à Mme Ouellet malgré la crise dans laquelle elle est empêtrée. «L’honnêteté, pour un politicien, c’est le socle, c’est la base.»

«Le téléspectateur raisonnable» qui a entendu le segment du 8 mars «conviendrait que notre cliente est malhonnête», ce qui justifie, selon Me Bertrand, les démarches entreprises par Mme Ouellet pour rétablir son image. Et ce même si cela signifie de faire résonner les propos dénoncés à plus grande échelle. «On s’est payé la traite, on s’est amusé, on a fait des sarcasmes, on a ri. [...] C’était les quatre [panélistes], on s’est acharné.»

Mme Ouellet exigeait une rétractation et des excuses publiques dans les 48 heures après réception de la mise en demeure , mais ne réclamait aucun montant d’argent. Une proposition de rétractation, que l’animateur Paul Larocque aurait dû lire en ondes, est inscrite dans le document.

Puisque les demandes de Mme Ouellet n’ont pas eu de suite, Me Bertrand n’exclut pas que des sommes en dommages soient réclamées dans une éventuelle poursuite. L’avocat a un an pour procéder, selon les volontés de Mme Ouellet.

Réagissant à la conférence de presse de Me Bertrand, Paul Larocque a fait valoir vendredi que c’est «la liberté d’expression» qui est en jeu dans cette affaire. «C’est l’ensemble des médias et les émissions [d’affaires publiques]» qui sont concernés, a-t-il dit sur les ondes de TVA, plaidant également pour le droit du public à l’information. «On va continuer de faire notre travail, pas plus pas moins, sans se laisser distraire.»

«L’indépendance, il faut en parler tout le temps, tous les jours, sur toutes les tribunes, de toutes les façons», a réitéré vendredi la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet

D’autres mises en demeure? 

Guy Bertrand a par ailleurs laissé entendre vendredi que d’autres médias pourraient recevoir une mise en demeure de son cabinet. Sans dire quelles émissions ou quels médias étaient ciblés, ni leur nombre, Me Bertrand a affirmé que des analyses étaient en cours, à la demande de Martine Ouellet.   

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OUELLET PERSISTE ET SIGNE

La chef du Bloc québécois sort de son mutisme pour livrer un plaidoyer aux membres de son parti. Dans une entrevue exclusive accordée à La Presse canadienne, Martine Ouellet déplore la peur qui paralyse, selon elle, certains souverainistes dont les sept députés dissidents.

Elle a fait parvenir vendredi un message aux militants dans lequel elle défend sa vision du Bloc québécois. «L’indépendance, il faut en parler tout le temps, tous les jours, sur toutes les tribunes, de toutes les façons», a-t-elle écrit.

Le Bloc québécois est à la croisée des chemins et doit arrêter de considérer l’indépendance du Québec «comme un beau rêve inaccessible» dont il ne faut pas parler en dehors des cercles militants.

C’est cette attitude qui a causé, selon elle, l’échec électoral de 2011. Le nombre de députés du Bloc québécois avait fondu, passant de 45 à quatre tandis que le Nouveau Parti démocratique (NPD) avait fait élire 59 députés au Québec, du jamais vu.

Le bureau national du Bloc québécois se réunira samedi pour discuter de la tenue d’un référendum sur le rôle du parti et d’un vote de confiance envers Mme Ouellet. Il adoptera également la proposition principale qui servira de programme électoral en 2019.

Le Devoir rapportait vendredi que le président du parti et député, Mario Beaulieu, avait demandé à Martine Ouellet de quitter la direction du parti et qu’un autre membre de l’exécutif avait cessé de l’appuyer.

Martine Ouellet n’a pas voulu révéler la nature des conversations qu’elle a eues avec Mario Beaulieu. Elle affirme en entrevue qu’elle a encore l’appui du bureau national. «Écoutez, ils me l’ont réitéré encore la fin de semaine passée, a-t-elle dit. Donc, c’était très, très clair.»

«Je n’ai pas de raisons de croire que ça ait changé», a-t-elle ajouté.

La chef n’a pas l’intention de démissionner et veut rester jusqu’à l’issue du référendum et du vote de confiance. Elle maintient le seuil de 50% plus un vote.  La Presse canadienne