C’est que durant les années 2000, Sylvain Cloutier faisait partie du gang de skinheads néonazis Sainte-Foy Krew, qui avait tenté d’infiltrer le Parti indépendantiste et Option nationale. Il jouait aussi au sein des groupes musicaux suprémacistes blancs Dernier Guerrier et Prison Bound, qui présentaient des pièces aux paroles carrément racistes et xénophobes en plus de reprendre des titres d’autres groupes néonazis.
«S’il y a des gens qui veulent me faire tomber moi, fine, mais pas le reste de Folk You. Je ne veux pas que la m.... retombe sur le reste de mon band, car ils n’ont absolument rien à voir là-dedans», a expliqué Sylvain Cloutier en entrevue avec Le Soleil, précisant que les membres de son groupe étaient tous au courant de son passé. «Je leur ai dit. Ils savent que leur “p’tit Vevin” a fait des “p’tites niaiseries”, mais ils savent aussi que je ne suis plus là-dedans», poursuit-il.
Il est loin d’être le seul musicien à avoir flirté avec l’extrême droite pour ensuite passer à autre chose. Ulf Ekberg, membre du groupe europop Ace of Base, qui a connu beaucoup de succès dans les années 1990, avait dû expliquer lui aussi son passé de membre d’un groupe musical néonazi et d’un parti d’extrême droite. George Burdi, maintenant chanteur et guitariste du groupe multiracial Novacosm, était l’une des figures les plus connues de l’extrême droite canadienne dans les années 90.
Pas au courant
Le fondateur de Folk You admet que la Ville de Québec n’était «probablement pas au courant» de son ancienne vie quand elle a mis Folk You au programme des festivités de la Saint-Patrick. «Disons que tu ne mets pas ça dans ton C.V... Pour moi, ce qui est important, c’est qu’ils trouvent qu’on fait un bon show.»
Aujourd’hui, l’étudiant au baccalauréat en musique de l’Université Laval dit avoir renié cette philosophie et se consacrer entièrement à la musique. «Être un gros chr... de raciste et être un nazi, c’est stupide. Du racisme et du nazi, tu n’en trouveras jamais dans Folk You. On fait zéro politique. Les gens avec qui je joue, on est une belle grosse famille, tous du monde fucking différent et on fait de la musique pour unir le monde sous la bannière du gros party.»
Sylvain dit s’être ouvert à la différence et ne plus faire partie des mouvements d’extrême droite depuis plusieurs années. «S’ouvrir à un paquet de gens qui pensent différemment, ça permet de découvrir le “vivre et laisser vivre”. On n’est pas là pour foutre la m...» poursuit-il, avouant cependant que son passé lui a déjà causé un peu d’ennuis dans son nouveau projet musical. «Il m’est arrivé de devoir expliquer à des gens ce qui s’est passé dans ma vie autrefois, mais le monde pige que je suis une bonne personne.»
Encore des amis
Le chanteur et guitariste joue également de franchise et n’essaie pas de se défiler quand on lui mentionne les nombreuses figures connues de l’extrême droite québécoise qui figurent toujours parmi ses amis sur le réseau social Facebook ou alors cette photo de lui avec un militant d’extrême droite de longue date sur le blogue anarchiste Montréal Contre-Information. «Oui, je suis resté ami avec plusieurs d’entre eux même si je ne suis plus impliqué dans ce mouvement-là. Je n’irai pas cracher sur mes potes. Peu importe leur opinion politique, quand les gens sont de bonnes personnes, je reste ami avec eux.»
Aujourd’hui, Sylvain Cloutier affirme que ce sont ses projets musicaux plutôt que la politique qui accaparent son temps et son énergie et il pense au spectacle du 24 mars en marge du défilé de la Saint-Patrick. «Je joue avec des gens qui sont de vrais bons musiciens et on travaille fort pour agrandir notre public. Ce qu’on veut, c’est faire triper la ville, et je ferai tout pour que mon passé ne soit plus un obstacle à ce beau projet qu’est Folk You», conclut-il.
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PAS UN PORTE-ÉTENDARD
Même s’il a tourné le dos à l’extrême droite, Sylvain Cloutier ne veut pas devenir un porte-étendard de la «déradicalisation» et préfère se concentrer uniquement à son projet musical.
Le musicien indique d’ailleurs qu’il a refusé récemment l’offre d’un réalisateur de Télé-Québec qui prépare un film sur l’ancien skinhead repenti Maxime Fiset et qui souhaitait l’interviewer puisque les deux faisaient autrefois partie du même groupuscule d’extrême droite.
«Moi, je veux faire avancer mon band, pas faire partie d’une autre histoire dramatisée comme [Maxime] Fiset. [...] Mon histoire est pas si intéressante et j’ai pas envie que ma musique passe après ou finisse par en souffrir. Je n’ai pas tué personne, je n’ai même pas de dossier judiciaire! Je suis un musicien qui essaye de gagner sa vie et d’élever ses enfants. On a tous travaillé fort pour monter Folk You, on s’est tous endettés comme des caves à faire un bac pour être le meilleur possible. On a un beau projet qui propage la joie, l’amour et la célébration. On ne veut rien savoir de la politique.»