Une famille syrienne: instinct de survie ***1/2

Dans Une famille syrienne, le spectateur est confronté à une terrible question: que ferait-il à la place du personnage pour protéger sa famille?

CRITIQUE / Une famille syrienne ne peut pas compter sur une distribution de vedettes ni la réputation de son réalisateur, peu connu. Le puissant drame de Philippe Van Leeuw peut toutefois compter sur son authenticité, son humanité et sa profonde résonance. Il met en scène une famille tapie dans son appartement de Damas alors que la guerre fait rage à l’extérieur. Tiraillés entre le désir de fuir et de rester, vont-ils survivre à cette journée comme les autres?


Oum Yazan (Hiam Abbass), ses enfants, son beau-père et Delhani (Juliette Navis), leur aide de ménage, sont barricadés dans le seul logement encore occupé de leur immeuble. Ils ont accueilli un couple de voisins et leur bébé, qui veulent fuir. Au matin, le jeune homme quitte les lieux pour les derniers préparatifs de leur fuite. Il n’ira pas loin: il est abattu dans la cour par un sniper.

Témoin de la scène, Delhani veut prévenir sa femme Halima (Diamand Bou Abboud) de ce mauvais sort. La maîtresse de maison lui ordonne de garder le silence, de peur qu’un de ses enfants sorte pour aller lui porter secours…



C’est l’instinct de survie qui dicte à cette mère courage ses décisions. Mais Oum Yazan a des zones d’ombre. Van Leeuw fait ressentir les émotions contradictoires qui l’agitent, sentiment de culpabilité autant que de protection, par les regards et les non-dits. On verse dans le drame psychologique.

Au fur et à mesure que la journée s’écoule, la tension augmente. Surtout lorsque des combattants réussissent à violer leur sanctuaire…

Comme le récent Les gardiennes, le réalisateur belge filme la guerre sans la montrer — les conflits sont dans le hors champ et ne nous parviennent que par l’entremise de l’environnement sonore, ces bruits incessants d’explosions, de tirs, d’hélicoptères… Ce qui rend le huis clos encore plus oppressant.

Philippe Van Leeuw laisse le soin au spectateur de réfléchir aux actions que pose Oum Yazan. Inévitablement, celui-ci est tout de même confronté à la question qui tue, sans mauvais jeu de mots: que ferait-il à sa place pour protéger sa famille? Un dilemme insoutenable, presque cruel, renforcé par l’apparente normalité de leur vie familiale dans le quotidien banal de la guerre.



Une famille syrienne évite tout pathos, misant sur l’humanité de son propos. Sans pourtant éviter de montrer des vérités qui dérangent, de l’oppression subie par les civils jusqu’aux terribles conséquences des actions posées par des hommes devenus fous furieux. La caméra, portée dans les déplacements, n’est jamais complaisante. Dans l’efficacité de la mise en scène, la retenue et la tension dans un lieu clos; on pense à l’oscarisé Room de Lenny Abrahamson.

Ajoutez à ça des performances bouleversantes, toutes en retenue et en nuances, de Hiam Abbass et Diamand Bou Abboud et vous avez un film percutant. 

Dans Une famille syrienne, le spectateur est confronté à une terrible question: que ferait-il à la place du personnage pour protéger sa famille?

AU GÉNÉRIQUE

Cote: ***1/2

Titre: Une famille syrienne

Genre: drame

Réalisateur: Philippe Van Leeuw

Acteurs: Hiam Abbass, Diamand Bou Abboud, Juliette Navis

Classement: 13 ans +

Durée: 1h26

On aime: la puissance du huis clos. L’humanité du propos. La sobriété de la réalisation

On n’aime pas :