L’annonce diffusée par la firme Commissionnaires du Québec se veut alléchante. «Événement spécial du G7. Nous recrutons! Vous êtes dynamiques, fiables et polyvalents, vivez une expérience unique en sécurité : le Sommet du G7 regroupant les plus grands leaders de la planète.» La réclame précise : le transport, les repas, l’hébergement et l’uniforme sont fournis.
Intéressés? Vous avez peut-être une chance. Sachez néanmoins que les Commissionnaires du Québec ont un penchant pour le personnel familier des tactiques militaires et policières.
Elle se déclare d’ailleurs «plus important employeur d’ex-militaires dans le secteur privé au pays», dixit son site Web.
Québec, Charlevoix, Saguenay
Un autre message publié en ligne ajoute des détails. Il émane d’un cadre de l’entreprise dont la carrière dans l’armée s’est étirée sur plusieurs décennies; l’homme a un grade de lieutenant-colonel en poche, des missions un peu partout dans le monde à son actif et a commandé une base du Royal 22e Régiment. «Commissionnaires du Québec a un besoin de plus de 500 agents pour le Sommet du G7 qui se tiendra en juin prochain dans Charlevoix et à Québec», note-t-il. «Nous serons à Québec, dans Charlevoix au Manoir Richelieu et au Saguenay. […] Nous comptons sur les militaires à la retraite, les policiers à la retraite [...] et les étudiants en technique policière.»
Les tâches à accomplir seront diversifiées, nous dit-on. Agents de sécurité; préposé à la fouille; patrouille; escorte…
Vous êtes toujours intéressés? Mieux vaut faire vite. «Date d’entrée en fonction : dès que possible», avertissent les offres d’emplois vues en ligne. C’est qu’il y aura des formations à suivre. Et qu’il faudra laisser le temps aux autorités d’effectuer le «processus de vérifications et d’accréditations», c’est-à-dire de scruter le passé des candidats et leur probité.
Faire vite aussi parce que le boulot pourrait commencer tôt, même si le sommet n’aura lieu que les 8 et 9 juin. «Certains sites pourraient être en fonction du mois de mars jusqu’au 15 juin 2018», détaillent des publications consultées.
Pourquoi le privé?
Au fait, pourquoi recourir aux services du secteur privé pour le Sommet du G7? Au moment d’écrire ces lignes, le Groupe intégré de la sécurité piloté par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’avait pas répondu à notre question. Les représentants des Commissionnaires du Québec nous disaient, quant à eux, attendre l’autorisation du gouvernement avant de discuter.
Le site Web des Commissionnaires tente néanmoins de répondre : «La tenue d’un tel événement à caractère diplomatique comporte une dimension de sécurité exceptionnelle. Bien qu’on y retrouve une multitude d’organisations de sécurité bien huilées dont l’objectif est d’abord la protection des invités de marque et ensuite le contrôle d’éventuelles manifestations qui pourraient dégénérer, il arrive qu’une telle organisation se trouve dépassée par l’ampleur de la tâche comme ce fut le cas lors du Sommet des Amériques à Québec en 2001. À plus d’une occasion, la sécurité publique [services de police, GRC, Forces armées canadiennes] peinait à suffire à la tâche.» Voilà pourquoi les pouvoirs publics feraient appel à ses services dans un contexte international explosif, avance l’entreprise.
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COMMISSIONNAIRES, C'EST QUI?
Commissionnaires est une entreprise privée sans but lucratif. Selon les récits affichés dans sa vitrine électronique, elle a été fondée en 1925 afin de trouver du travail pour les anciens combattants, puis pour les retraités de la GRC. Elle embauche également des civils.
La compagnie est habituée des collaborations avec le gouvernement canadien. «Commissionnaires est demeuré le principal fournisseur de services de sécurité au gouvernement fédéral depuis 1945, soit l’époque à laquelle le gouvernement du Canada, ayant reconnu notre contribution aux anciens combattants, a décidé d’octroyer une bonne part des contrats de sécurité partout au Canada à notre organisme», lit-on dans le site Web corporatif. Il s’agit d’un contrat permanent.
Le chiffre d’affaires annuel serait de 530 millions $, dont 90 % des profits seraient redistribués aux employés.
L’entreprise les Commissionnaires se targue d’avoir plus de 20 000 employés, dont 3000 au Québec. N’empêche, les besoins importants pour le contrat du Sommet du G7 l’ont poussé à publier de nombreuses offres. Certaines sur les médias sociaux. Plusieurs autres dans un site Internet spécialisé en affichage d’emplois où l’on trouve des annonces particulières à l’adresse des candidats potentiels de Montréal, de Québec, de La Malbaie, de Baie-Saint-Paul, de Trois-Rivières, de Saguenay, de Drummondville, de Matane et de Rimouski.
Commissionnaires est présente dans toutes les provinces, tous les territoires, du Canada. La division québécoise est dirigée par Marc Parent, ancien directeur du Service de police de la Ville de Montréal.
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LE MANOIR RICHELIEU FERMÉ AU MOINS TROIS SEMAINES… OU PLUS
N’essayez pas de séjourner au Manoir Richelieu entre le 27 mai et le 13 juin. Les 405 chambres de l’établissement de La Malbaie ont été réquisitionnées par l’organisation du Sommet du G7.
«Ils ont réservé pour presque un mois juste pour eux», explique l’employée de la réception, désolée; nous venions de l’appeler pour comprendre pourquoi le système de réservation ne trouve aucune disponibilité à cette période.
Les forces de l’ordre et leurs sous-traitants sont cependant déjà sur place : «Dans le cadre de la planification du Sommet du G7, nos équipes […] travaillent à la mise en place des mesures de sécurité sur le site du Manoir Richelieu», remarque le caporal Érique Gasse, des relations médias de la GRC. Il ajoute que «le niveau de sécurité augmentera et l’accessibilité au site sera de plus en plus restreinte à mesure que le Sommet approchera.» Le golf et le casino seront aussi clos.
Joint par Le Soleil, le directeur général de l’hôtel tient à rassurer la clientèle. «Il nous fera plaisir d’accueillir des invités jusqu’au 26 mai au Fairmont Le Manoir Richelieu», écrit Jean-Jacques Etcheberrigaray.
«Du 27 mai au 12 juin, pas disponible pour la clientèle régulière. En dehors de ces dates : “business as usual”, tout le monde est le bienvenu a nous rendre visite.»