Chronique|

L'école qui rendrait plus heureux

L’architecte Pierre Thibault, la directrice générale du Lab-École Hélène Cyr, le co-chef de chantier Jérôme Lapierre et la gestionnaire des opérations Dominique Laflamme, devant des maquettes de ce qui sera peut-être l’école de demain.

CHRONIQUE / On sent l’usure du temps, mais pour le reste, rien n’a changé. Les mêmes murs de briques rouges et jaunes. Les fenêtres blanches à auvent, dont la peinture s’écaille.


Le mât à drapeau grugé par la rouille. La porte principale par laquelle, enfants, on ne circulait pas à moins d’avoir raté la cloche. 

L’école primaire que j’ai fréquentée il y a 50 ans n’a pas changé. Sauf pour l’essentiel: ce n’est plus une école, mais un centre communautaire dont la clientèle trahit l’âge du quartier. 

Je suis entré comme si c’était hier. Le secrétariat, le gymnase avec la scène au fond, le corridor-vestiaire entre les rangées de classes, l’escalier menant à l’étage.

Un plan copie-carbone de l’école où sont allés mes enfants plusieurs années plus tard dans un autre quartier.

Ici, les pupitres d’élèves ont fait place à des salles de réunion, des métiers à tisser, des tables de billard. 

Quelques cloisons ont été abattues pour faciliter la danse et le shuffleboard, mais pour le reste, l’espace est découpé comme à l’époque. 

Par les fenêtres, la cour d’asphalte où on jouait au ballon prisonnier, les terrains de baseball derrière, la piscine municipale et le parc. 

L’hiver, des bénévoles arrosaient trois patinoires: deux pour le hockey, l’autre pour apprendre. Les soirs de pratique ou de match, on s’entassait dans les minuscules chambres des joueurs au sous-sol de l’école.

Entre les périodes, on allait parfois courir dehors, pieds nus dans la neige, convaincus que c’était la meilleure façon de les dégeler. J’en ai gardé de vifs souvenirs.  

Aurions-nous été plus heureux et aurions-nous mieux réussi dans une école dessinée autrement? 

Avec des classes mieux éclairées, des cloisons amovibles, des couleurs étudiées sur les murs, une cour gazonnée, des espaces de détente et d’autres pour les repas? 

Je ne saurais dire. Il y a tant d’autres choses qui influencent la réussite scolaire. Les professeurs par exemple. Et le milieu familial. 

Une étude britannique vient cependant de démontrer un lien entre l’environnement physique des classes et la réussite des élèves. Jusqu’à 16% de mieux en lecture, écriture et mathématiques.

Cette recherche a inspiré l’architecte Pierre Thibault, le chef Ricardo Larrivée et le promoteur de sport Pierre Lavoie pour le projet de Lab-École.

Ils cherchent depuis à rassembler les meilleures idées pour favoriser la réussite et les bonnes habitudes de vie à l’école.

Une cinquantaine de professeurs, directeurs d’école, parents, élus locaux, universitaires et professionnels ont participé depuis un an à leurs ateliers.

Les meilleures pistes ne sont pas toujours venues du bout du monde. «Pour presque chaque chose, il y a déjà de bons exemples au Québec», a constaté Pierre Thibault. 

Reste à s’en inspirer pour que «ce qui est beau», ne soit plus l’exception mais la norme. 

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Les syndicats avaient regimbé lorsque le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx a donné le feu vert au Lab-École.

Ils voyaient d’autres priorités. Comprenaient mal qu’on fasse appel à des «vedettes» plutôt qu’aux professeurs. La réticence y est toujours.

«L’école appartient à tout le monde sauf à ceux qui y travaillent», déplore Denis Simard, président du Syndicat de l’enseignement de Québec.

Sur le fond, il est plus nuancé. 

«Personne n’est contre améliorer physiquement les écoles». Il est curieux de voir si les «trois sauveurs» auront «plus de poids que nous autres».

C’est une bonne question. Y aura-t-il de l’argent pour corriger la désuétude des écoles et en améliorer l’apparence? 

Plus de 170 projets de rénovation ou construction ont été soumis pour un parrainage par le Lab-École, dont un dans Limoilou.

Un jury en choisira cinq par année, les premiers ce printemps pour livraison en 2020-21. Ses critères: la motivation des écoles à faire autrement et l’engagement de la ville et de la communauté pour ces projets qui deviendront des bancs d’essai pour l’école de demain.

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«LES CLASSES INTELLIGENTES»

L’étude Clever Classrooms (1) fut menée auprès de 3766 élèves de 27 écoles. Elle fait plusieurs constats intéressants. 

>> Facteurs avec un fort impact sur l’apprentissage

• lumière naturelle 

• qualité d’air et ventilation

• température adéquate 

• espaces adaptables à différents types d’enseignement : travaux d’équipe, échanges personnalisés avec le professeur. Par exemple : classes en L ou en T plutôt que carrées 

• sentiment d’appartenance avec des espaces pour afficher des travaux d’étudiants 

• espaces pour la détente dans la classe 

• bon dosage de stimulation visuelle par les couleurs (ni trop, ni trop peu); l’idéal: 20% à 50% de murs clairs.

Des changements souvent peu coûteux peuvent être initiés par les professeurs et faire une grande différence (disposition de la classe, couleurs, affichage, etc.). Beaucoup de profs le savent et le font déjà.

>> Facteurs avec impact secondaire sur l’apprentissage

• contrôle du bruit ambiant (caoutchouc sous les pattes de chaise, tapis, toiles au plafond, etc.)

• vue sur la nature à l’extérieur de l’école

• plantes vertes dans la classe

• accès direct entre la classe et la cour de l’école

• facilité de circulation dans l’école

Il faut entretenir les écoles et on peut souhaiter les embellir, mais l’étude ne prouve pas qu’il faille investir de grosses sommes dans l’immobilier pour améliorer les résultats scolaires. 

La taille de l’école, sa localisation, la présence d’équipements spécialisés ont moins d’impact que le design des classes où les élèves, surtout les plus jeunes, passent le plus de temps.  

(1) Clever Classrooms, Peter Barrett, Yufan Zhang, Fay Davies, Lucinda Barrett, University of Salford, Manchester, février 2015.