Économie de seconde main: le Québec traîne encore de la patte

Le site Kijiji est en croissance et domine les transactions commerciales liées à l’économie de seconde main, avec 26,3 % (20,1 % en 2016), avant les magasins à vocation sociale (17,8 %) et les friperies (10,7 %).

Sites de petites annonces, réseaux sociaux, friperies, organismes communautaires : l’économie de seconde main continue à croître au pays, mais les Québécois, eux, traînent encore de la patte.


Pour la quatrième année, la publication de l’indice Kijiji permet de dresser un portrait de l’économie de seconde main, qui comprend toute transaction de biens d’occasion (achat, vente, location, échange, don). L’étude est chapeautée par l’Observatoire de la consommation responsable de l’UQÀM et financée par le site de petites annonces en ligne.

En 2017, les Canadiens ont en moyenne échangé 79,5 biens (36,1 acquis et 43,4 délaissés), comparativement à 78 en 2016. Comptent dans ce calcul autant le sofa acheté sur un site de petites annonces que le sac de vêtements que vous donnez à un organisme de votre quartier. Ainsi, 2,3 milliards de biens ont pu avoir une deuxième vie au Canada, contrairement à 1,9 milliard de produits en 2016, une hausse de près de 24 %. La valeur des transactions est toutefois restée semblable, atteignant 28,5 milliards $, soit un peu moins que les 29 milliards $ en 2016.



Au Québec, cet indice chute à 63. Il est d’ailleurs plus bas qu’en 2016 (67). Les transactions se sont élevées à 4,9 milliards $. ll n’y a que les provinces maritimes qui font moins bonne figure, à 60. L’Ontario (92) et l’Alberta sont en tête (90).

«Ce qui est intéressant, c’est d’observer un phénomène qui s’installe. L’économie de seconde main semble prendre de l’ampleur» au pays, remarque Fabien Durif, directeur de l’Observatoire et coauteur de l’étude. Les gens constatent qu’il peut être payant de se départir de ses articles. Les gains moyens réalisés par une personne vendant des biens de seconde main se chiffrent à 1134 $.

Mais M. Durif confirme que le Québec tire de l’arrière, n’arrivant pas à rattraper la tendance bien implantée en Ontario ou dans l’Ouest. Sans pouvoir l’expliquer directement, M. Durif fait valoir que la culture et la tendance des anglophones à être plus généreux envers des œuvres de charité pourraient fournir une partie des réponses.

Autre piste : plusieurs Québécois semblent bouder l’économie de seconde main. L’an dernier, 79 % d’entre eux ont échangé, donné, vendu ou acheté au moins un bien d’occasion. À l’échelle du pays, c’est plutôt 85 %, comparativement à 82 % en 2016. L’Alberta et la Colombie-Britannique sont les championnes : pratiquement toute la population a participé à l’économie de seconde main (99,7 %).



Super utilisateurs

L’émergence de super utilisateurs, qui peuvent vendre ou acheter plus de 150 articles par année, est aussi beaucoup plus faible au Québec (6,9 %) qu’ailleurs au pays (10 %). Une autre des raisons qui expliquent le décalage. «Il y a vraiment une professionnalisation que l’on voit beaucoup moins dans le cas du Québec», note-t-il. Ces utilisateurs hyperactifs représentent 64 % de la totalité des transactions du marché.

Au pays, les catégories de biens qui changent le plus souvent de main sont les mêmes depuis le début de l’étude, il y a quatre ans. Les vêtements, chaussures et accessoires arrivent en tête (32,2 %), suivis des biens de divertissement (16,1 %) et des vêtements et accessoires pour bébé (7,7 %).

Pourquoi décidons-nous d’acheter des biens d’occasion? Pour une raison économique en premier lieu, alors qu’en moyenne les Canadiens ont gardé dans leurs poches quelque 825 $ en choisissant d’éviter d’acheter du neuf. La volonté de faire un choix écologique ou l’attrait de dénicher un objet de valeur à moindre coût viennent ensuite. On cherche toutefois à se départir d’objets en tout premier lieu parce qu’on n’en a plus besoin et pour se désencombrer. Aider les autres et préserver l’environnement suivent, avant l’avantage financier.

M. Durif remarque aussi que certains contextes sont particulièrement propices à l’économie de seconde main : déménagement, perte d’emplois, naissance d’un enfant, etc.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les gens ne marchandent pas beaucoup. Trois quarts des acheteurs ont payé le prix demandé par les vendeurs.

Quand il est question de se débarrasser de biens, c’est encore le don qui prime, dans 62 % des cas. Dans la ville de Québec, cette proportion explose pour atteindre 77 %.

Le don ou la vente ont vraiment la cote, plus simple que le troc ou l’échange. M. Durif constate que les plateformes collaboratives, où l’on peut faire des échanges ou des emprunts sont moins populaires ici que dans certains pays d’Europe (Royaume-Uni, France) ou aux États-Unis.