Pourtant, ça n’a pas toujours été le cas. Il y a deux ans, j’étais plutôt opposé, n’en voyant pas l’utilité réelle. L’expérience du défunt registre fédéral a bien démontré que les gains pour la sécurité étaient, au mieux, très marginaux. En fait, le registre n’avait (et n’a toujours) qu’une valeur morale, soit de conscientiser les propriétaires — et la population en général — que les armes à feu sont dangereuses, mais non taboues et qu’elles peuvent être utilisées avec discernement. Il n’y avait pas un réel besoin de réaffirmer ce point, on s’entendait là-dessus.
Puis les choses ont commencé à changer. Des groupes minoritaires et très vocaux, comme Tous contre un registre, ont commencé à occuper l’espace public, dénonçant une intrusion intolérable du gouvernement dans la vie privée des gens. En parallèle, les mouvements anti-gouvernementaux extrémistes ont commencé à faire des émules au Québec, comme La Meute ou la milice III%. Il y a désormais un mélange des genres au point où plusieurs crient au complot : le gouvernement voudrait «identifier» tous les Québécois en mesure de se défendre, pour mieux les neutraliser avant d’imposer un régime totalitaire dans la province. On commence à entendre plusieurs propriétaires prendre la parole contre le registre, inspirés par ces discours alarmistes.
Aujourd’hui, la valeur morale du registre commence à démontrer son utilité. Parce que ceux qui dénoncent le registre, en versant dans les discours alarmistes, viennent décrédibiliser, rendre menaçants, ceux qui possèdent des armes. Ce genre de discours vient polariser la population entre des propriétaires aux abois et une population générale qui commence à démoniser les armes à feu. Il y a un risque de dérive qui est inquiétant, surtout qu’il était à peu près absent il y a tout juste deux ans. Bref, ceux qui s’opposent au registre, par leurs discours alarmistes et déconnectés de la réalité, ont réussi à le rendre nécessaire. Bravo les champions!
Christian Picard, Lévis