Clinique médicale Saint-Vallier: moins de médecins, mais plus d'accès

Comme l’expliquent l’infirmière praticienne spécialisée (IPS) Christine Laliberté et le Dr André Fréchette, les médecins de la Clinique Saint-Vallier n’arriveraient pas à prendre en charge autant de patients sans la contribution des quatre IPS et des quatre infirmières cliniciennes qui y travaillent à temps complet.

La Clinique médicale Saint-Vallier n’est pas un groupe de médecine familiale (GMF) comme les autres. Dans cette petite clinique de la basse-ville de Québec, il y a moins de médecins que de professionnelles de la santé, dont des infirmières praticiennes spécialisées (IPS). Et depuis qu’elle a adopté ce modèle, sa capacité de prise en charge et de suivi des patients a augmenté.


La clinique Saint-Vallier était menacée de fermeture en raison du manque de relève médicale lorsque le projet Archimède, qui bénéficie d’un investissement de 3,5 millions $ sur cinq ans du gouvernement du Québec, y a été implanté le printemps dernier. 

D’ici 2021, le petit GMF du quartier Saint-Sauveur qui mise sur l’interdisciplinarité devrait avoir atteint les 12 000 inscriptions, soit environ 3500 de plus qu’à l’heure actuelle.

Au 15 avril dernier, le GMF comptait l’équivalent de 7900 patients inscrits et affichait un taux d’assiduité de 81%. Au 15 octobre, le nombre d’inscriptions avait grimpé à 8500 et le taux d’assiduité, à près de 85 %, sans qu’on ait augmenté les effectifs médicaux. Ceux-ci ont même diminué depuis l’annonce du projet Archimède. De l’équivalent de quatre médecins à temps plein en avril, on n’en compte aujourd’hui plus que deux.

Ces médecins n’arriveraient pas à prendre en charge autant de patients et à être aussi assidus auprès d’eux sans la contribution des quatre IPS (elles seront cinq d’ici 2021) et des quatre infirmières cliniciennes qui y travaillent à temps complet, expliquent en entrevue le Dr André Fréchette et l’IPS Christine Laliberté.

Une panoplie de professionnelles (travailleuse sociale, nutritionniste, physiothérapeute, kinésithérapeute, inhalothérapeute et psychologue) fait également partie de l’équipe du GMF. Une interdisciplinarité qui permet un suivi serré des patients et une gestion précoce des problèmes de santé, qui contribuent à leur tour à réduire les complications, les consultations dans les sans rendez-vous des supercliniques ou à l’urgence et les hospitalisations, exposent nos deux interlocuteurs.  

«Avec une toute petite équipe, avec moins de médecins, on a réussi, grâce à l’interdisciplinarité, à augmenter le nombre d’inscriptions et le taux d’assiduité. Le GMF est ouvert 68 heures par semaine, et il n’y a pas de découverture médicale. Avec ce modèle, chaque médecin suit plus de monde, et les patients sont encore mieux suivis parce qu’ils ont accès à d’autres professionnels à l’intérieur des mêmes murs», résume Christine Laliberté.

Le principe d’Archimède, c’est de faire en sorte que le patient soit vu par la bonne personne au bon moment. Lorsqu’il appelle à la clinique, il est dirigé à la ressource adaptée à son besoin.

«On travaille en accès adapté, c’est à-dire qu’on se garde des plages pour pouvoir voir les patients» qui ont un problème ponctuel à l’intérieur de 48 à 72 heures, précise Mme Laliberté. Selon elle, entre 85 % et 90 % des patients qui se présentent à la clinique pour un problème ponctuel ne nécessitent pas d’être vus par un médecin.

Un modèle d’avenir

Pour le Dr André Fréchette, le modèle développé à la clinique est «le modèle d’avenir pour toutes les petites cliniques de quartier». 

«C’est un modèle où on utilise les compétences des différentes ressources de façon optimale. Chacune joue son rôle. La pyramide est inversée par rapport aux autres GMF qui comptent plus de médecins que de professionnelles, mais personne ne prend la place de personne. Ce n’est pas une clinique d’IPS. Les IPS ne prennent pas la place des médecins» et vice versa, insiste le Dr Fréchette.

C’est d’ailleurs après avoir expérimenté la sous-utilisation de ses compétences dans d’autres GMF que Christine Laliberté, qui est également présidente de l’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec, a eu envie de développer un modèle comme celui d’Archimède à la clinique Saint-Vallier. «J’aimerais ça que toutes les IPS aient cette chance-là, de travailler dans un milieu comme celui-là. La formation d’IPS au Québec est celle qui est la plus poussée au Canada, mais c’est au Québec que les IPS jouent le moins grand rôle», se désole-t-elle. 

Grâce à la contribution des IPS, le rôle du médecin est «revalorisé» parce qu’il voit vraiment les cas qui requièrent d’être vus, estime pour sa part le Dr Fréchette. «Au quotidien, c’est une pratique plus stimulante», juge-t-il.

Besoin de relève

Pour assurer la pérennité du projet et de la clinique, et atteindre les 12 000 inscriptions d’ici 2021, il faudra de nouveaux médecins en remplacement de ceux qui sont partis ou partiront bientôt à la retraite. Le GMF attend les autorisations pour pouvoir accueillir cette relève. «On est en discussion avec le DRMG [pour Directeur régional de médecine générale] et on a une bonne oreille de la part du ministère de la Santé», se réjouissent le DFréchette et Mme Laliberté.

En conférence de presse, en avril, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, avait déclaré que le modèle Archimède serait étendu à la grandeur du Québec si les résultats du projet-pilote s’avéraient concluants. Selon lui, ce modèle d’organisation des soins de première ligne est «le réseau du futur» et l’un des chemins qui donneront un emploi aux 2000 IPS qui seront formées au Québec d’ici 2025.