Isabelle Larouche a toujours cru dans «Prophéties»

Isabelle Larouche

Isabelle Larouche a patienté 12 ans avant que le roman Prophéties n’aboutisse dans les librairies. Ce texte, dont la version initiale remonte à 2005, avait fait l’objet de deux refus, en plus de subir trois mutations, lorsque les Éditions du Phoenix ont choisi de le prendre sous leur aile. Or, depuis sa sortie à l’été 2017, ce texte destiné aux adolescents, en priorité, connaît un succès qui comble l’auteure originaire du Saguenay.


« Le lancement a eu lieu au Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et dès ce moment, ç’a été la folie furieuse. Nous avons manqué d’exemplaires, et le même engouement a été relevé dans les autres salons, ainsi que dans les librairies. Cette semaine, Prophéties figure à la troisième position du palmarès établi par le distributeur Prologue, dans la section Jeunesse », a-t-elle indiqué il y a quelques jours, lors d’une entrevue téléphonique accordée au Progrès.

L’une des raisons de cet engouement tiendrait au sens du merveilleux qui, malgré les pesanteurs de notre époque, nourrit l’âme d’une frange appréciable de la population. Lorsqu’ils se glissent dans les quatre histoires relatées par Isabelle Larouche, situées à des périodes différentes, mais centrées sur la même vieille dame dont le mode de vie peut être assimilé à celui d’une itinérante, les lecteurs entrent dans un état de bienveillance extrême.

« Les gens ont besoin d’espoir, de magie. Ils veulent sentir que toutes les personnes sont reliées entre elles », énonce l’auteure. Cette réaction est partagée par de nombreux adultes. Ils forment la majorité du lectorat, contre toute attente, tandis qu’à l’autre bout du spectre, soit les jeunes de dix et 11 ans, le premier argument de vente est le dessin de l’illustratrice Jocelyne Bouchard qui orne la couverture.

« Ils se demandent si cette femme est une sorcière. Ça leur fait peur, et justement, c’est l’impression que nous voulions créer », note Isabelle Larouche. Si on ajoute le public cible, les adolescents, ça fait beaucoup de monde intéressé à pénétrer dans l’univers mi-réaliste, mi-fantastique, qui se déploie de l’année 1929 jusqu’en 2254.

Toutes les histoires se déroulent à Montréal, et dans chacune d’elles, les protagonistes traversent une mauvaise passe. Ils pourraient se décourager, eux qui sont confrontés à des problématiques comme la grande pauvreté ou l’absence de liens affectifs. Le destin leur adresse toutefois un clin d’oeil, toujours par le truchement de la vieille dame évoquée plus haut. C’est le mystère dont elle est nimbée qui forme la clé de voûte du roman.

« Ce livre a eu des ailes à compter de l’automne, et ça découle d’un ensemble de facteurs. Il comporte quatre histoires, montre que nous sommes liés les uns aux autres et amène les gens à s’ouvrir à l’inexplicable, à quelque chose de plus grand qu’eux. Il témoigne du fait que chacun a le pouvoir de commander à sa destinée. Si on a un talent et qu’on lui permet de fleurir, ça donne une clé pour changer le monde », explique la Saguenéenne.

Elle établit d’ailleurs une filiation entre Prophéties et Les fées à l’école, un livre sorti en 2008, où il était question de portes magiques et de créatures fantastiques. À l’époque, cependant, les Éditions du Phoenix n’exploraient pas le marché des adolescents. C’est pourquoi elles ont gardé le livre en réserve pendant cinq ans, tout en lui trouvant bien des qualités.

« La première version était plus longue. Je l’avais produite dans la foulée d’une séparation qui a tourné en dépression. Dans le miroir, je me voyais comme si j’avais 100 ans. La vieille dame, ça pouvait être moi, mais heureusement, l’écriture du livre m’a libérée de cet état de tristesse », confie Isabelle Larouche. Elle a vécu le premier refus d’un éditeur comme une gifle, mais a remanié le manuscrit et obtenu des commentaires encourageants d’une deuxième maison.

Ses dirigeants ont aussi passé leur tour, mais leur réaction positive a constitué un baume pour la romancière, qui a continué de croire dans le potentiel attractif de Prophéties. « Le problème est qu’à l’époque, on ne savait pas à qui ce livre s’adressait », fait-elle observer. Aujourd’hui, en revanche, le portrait s’est précisé. La preuve est faite que les aventures de la vieille dame ont une portée universelle.

UNE SEMAINE DANS UNE ÉCOLE DE CHICOUTIMI

L’auteure Isabelle Larouche passera une semaine à Chicoutimi, grâce à un projet auquel est associée l’École secondaire de l’Odyssée Lafontaine. Elle reviendra dans sa ville natale afin d’animer des ateliers du 26 février au 1er mars. Destinés aux élèves du premier cycle, ils s’appuieront sur le roman Prophéties, son plus récent.

« Je vais leur parler de la genèse de ce livre et leur demander de travailler sur un cinquième chapitre. Chaque classe sera invitée à choisir l’époque où elle veut situer l’histoire. Il faudra également définir les contours d’un personnage doté d’un talent particulier, ainsi qu’une problématique insupportable, en apparence, mais qu’il fera évoluer de manière positive », décrit Isabelle Larouche.

Elle a vécu une expérience similaire en 2017, à Rimouski. Les jeunes avaient eu le goût de se transporter en 1945, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ils avaient concocté un scénario en vertu duquel un dirigeant japonais tentait de convaincre le gouvernement américain de ne pas déclencher le feu nucléaire à Hiroshima.

« C’est une formule intéressante que je peux explorer en vertu du programme Culture à l’école, lancé il y a une trentaine d’années. Il s’agit d’une initiative du ministère de l’Éducation du Québec et de l’UNEQ (l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec). Les institutions d’enseignement assument 25 % des frais, tandis que le ministère absorbe le reste de la facture », indique la romancière.

Elle précise qu’à Rimouski, plusieurs élèves n’avaient pas lu Prophéties avant de plancher sur un nouveau chapitre. L’expérience leur a sûrement plu, puisque l’auteure en a revu un bon nombre dans un salon du livre auquel elle participait. Comme c’est son habitude depuis la sortie de ce roman, Isabelle Larouche a remis une clé miniature à chacun d’eux, un souvenir tangible de l’histoire à laquelle ils ont accroché leur imaginaire.

Ce dont témoigne le succès populaire du roman Prophéties, écrit par la Saguenéenne Isabelle Larouche, c’est de l’intérêt que suscitent les histoires dans lesquelles entre une part de merveilleux.

UNE GRAND-MÈRE DEVENUE UN PERSONNAGE DE ROMAN

L’un des personnages qui hantent le roman Prophéties, celui d’Irène, a été inspiré par une femme que l’auteure Isabelle Larouche n’a pas eu la chance de côtoyer, mais qui fait partie de son Panthéon personnel. Il s’agit de sa grand-mère Ida Beck, décédée à l’âge de 49 ans, après avoir donné naissance à 11 enfants.

Dans le livre aussi, plus précisément à l’intérieur du premier chapitre, « L’écrivain », on voit apparaître en filigrane une mère de famille disparue prématurément en 1924. On apprend qu’elle est originaire de l’Irlande, où sa famille continue de chérir son souvenir. Or, l’Irlande, c’était aussi la patrie des ancêtres d’Ida Beck, révèle sa petite-fille.

« Ma grand-mère est née en Gaspésie, puis elle a vécu au Saguenay. Elle avait marié un homme qui travaillait pour la compagnie Alcan, Philippe Larouche, et c’est pour lui rendre hommage que ma mère a pris le nom d’Hélène Beck afin de mener sa carrière de peintre. Moi aussi, je lui ai rendu un hommage à travers le roman, mais je lui en réserve d’autres », laisse entendre Isabelle Larouche. 

Elle compte en effet produire une saga destinée aux adultes, une histoire qui se déroulerait au Saguenay de 1935 à 1945. Ce projet est mené avec rigueur, ce qu’illustrent les recherches ayant pour but de camper l’action dans un cadre fidèle à la réalité du moment. « Ça demande beaucoup de travail. Je me donne deux ans pour sortir ce livre », révèle la romancière.