«La délégation, c’est nous! On fait tout, ça demande énormément d’énergie. Mardi prochain, quand mes parents vont nous voir partir dans l’avion, ils vont pouvoir se dire : “Yé! On a réussi! ” Et enfin pouvoir se reposer.»
Adam Lamhamedi participera à ses deuxièmes Jeux olympiques, en Corée du Sud. L’athlète de 22 ans de Charlesbourg est le fils d’un gars de Rabat, la capitale du Maroc, et d’une fille de Thetford Mines. À PyeongChang, il sera accompagné par son frère, Samuel, de deux ans son cadet, qui lui servira à la fois de technicien et de substitut, en cas de blessure.
L’histoire remonte aux années où Lamhamedi s’alignait dans l’équipe régionale de ski alpin Skibec. «Sur le site internet de l’équipe, j’avais écrit dans ma fiche de présentation que mon rêve serait d’un jour représenter le Maroc en compétition. Mais je n’avais aucune idée de la faisabilité de ça.»
«En 2011, j’ai reçu un appel à la maison, c’est moi qui ai répondu. Une personne de la Fédération royale marocaine de ski et montagne me disait que c’était possible, que ça pouvait se faire. Sur le coup, j’ai cru que ça pouvait être une blague ou une arnaque!» a-t-il raconté, mercredi midi, au PEPS, sa seconde demeure considérant qu’il fait partie du club de ski alpin du Rouge et Or et étudie en administration à l’Université Laval.
Ce coup de téléphone a changé beaucoup de choses. Lamhamedi a participé à sa première vraie compétition internationale sous les couleurs du Maroc aux Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) de 2012, en Autriche.
Et il a gagné! Sa victoire au super-G des premiers JOJ d’hiver, par 12 centièmes de seconde, en a fait le tout premier représentant d’un pays africain médaillé d’or dans le volet hivernal du programme olympique. Compétition où le Canada lui avait aussi demandé de le représenter. L’athlète d’alors 16 ans avait choisi le Maroc.
Vie transformée
Une minute et quatre secondes qui ont transformé sa vie, du moins sa vie sportive. Ayant déjà fait une déclaration officielle pour inciter les Marocains à encourager le jeune Canadien, le roi Mohammed VI l’a ensuite reçu en personne et plus tard fait chevalier.
Un vent de fraîcheur après l’éclosion de scandales de corruption dans le milieu du sport marocain. L’appui moral et financier du Maroc se serait sans doute poursuivi sans sa médaille d’or, mais le soutien du roi, la visibilité accrue et le gain de confiance qui en découle ont certainement permis à Lamhamedi d’atteindre son niveau de performance actuel.
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Car le jeune homme se dit au meilleur de sa forme. Recrue par excellence du circuit universitaire québécois de ski alpin en 2016, il a été nommé meilleur skieur universitaire masculin de la province en 2017 après avoir dominé le classement. L’an dernier, il a fini au 15e rang du slalom géant de l’Universiade, au Kazakhstan.
Mais là, on parle des Jeux olympiques. Avec les meilleurs au monde. Il y a quatre ans, à Sotchi, Lamhamedi a été loin de s’humilier avec une 47e position en slalom géant et une porte enfourchée à la toute fin de la deuxième manche du slalom, gagnant à 18 ans le respect de pas mal de collègues skieurs.
Plus aguerri, moins impressionné
Le spécialiste des épreuves techniques s’embarque maintenant pour PyeongChang plus mature au plan physique, plus aguerri dans la tête et moins impressionné par le grand cirque olympique. «J’obtiens en ce moment mes meilleurs résultats à vie. Je n’ai pas d’objectif en termes de position, mais dans un sport chronométré comme le mien, le but est toujours de réduire l’écart avec le vainqueur.»
En 2014, il a fini à 13,94 secondes de l’Américain Ted Ligety. Quatre ans plus tard, son but est de faire mieux. «Je vise peut-être 10 secondes d’écart et si ça m’amène dans le top 40, tant mieux. Mais si j’ai deux secondes de retard et que ça me place 53e, ce sera quand même le plus beau jour de ma vie!» explique celui qui se donne par-dessus tout un rôle d’ambassadeur pour le pays de ses ancêtres paternels.
Son frère a loupé sa qualification par un tout petit point FIS sur sa moyenne de cinq résultats. De l’avoir néanmoins à ses côtés s’avérait primordial. «On n’a pas les ressources d’un pays comme l’Autriche ou le Canada, mais on les intentions», assure l’aîné, répondant du coup à ceux qui doute du sérieux de l’entreprise.
Le duo de Québec sera accompagné par un entraîneur, le Français d’origine marocaine Noureddine Bouchaal, lui-même 86e au slalom géant des JO de 1992 sous l’étoile verte du Maroc. Bouchaal avait fini 1 min 15 derrière le gagnant, un certain Alberto Tomba.
Le meilleur résultat du Maroc aux Jeux olympiques d’hiver est une 41e position, deux fois en ski alpin. À PyeongChang, le Maroc sera représenté aux Jeux olympiques d’hiver pour la septième fois. En tout, la délégation marocaine compte 10 personnes. Dont deux athlètes. Lamhamedi et le fondeur Samir Azzimani. Skieur alpin aux JO de 2010, l’athlète surnommé Couscous Rocket s’est converti au ski de fond pour 2018.