L'aventure d'une vie dans le Grand Nord québécois

Bel effort de notre photographe Erick Labbé pour recréer, en plein cœur de Sainte-Foy, l’esprit du Grand Nord québécois. Un petit aperçu en tout confort pour Nicolas Roulx, Sarah-Jeanne Giroux et Guillaume Moreau, qui affronteront la vraie bête pendant trois mois, cet été.

Trois mois dans le Grand Nord québécois, à pagayer dans le froid. Trois mois à lutter contre les dangers, d’une tempête océanique à la visite d’ours polaires. Trois mois à servir de repas aux mouches. Trois mois d’efforts, de blessures, d’épuisement. Trois mois, toujours avec les mêmes personnes, dans les mêmes canots le jour, dans la même tente la nuit. Tout ça… pour le plaisir.


De juin à août, les six membres de l’expédition AKOR se lanceront dans la plus grande aventure de leur vie, pourtant fort chargée en la matière. Quelque 1500 kilomètres à affronter les éléments, de Schefferville au village inuit de Nain. Un périple jamais tenté, selon toutes vraisemblances. «Ce trajet-là regroupe tous les défis possibles et imaginables que tu peux avoir en canot-camping. On va repousser nos limites. C’est ce qui nous stimule», souligne l’instigateur du projet, Guillaume Moreau.

«C’est comme si on raboutait trois expéditions», illustre Nicolas Roulx. «Qui sont déjà des expéditions majeures», ajoute Moreau.

Une folie née d’une simple recherche Google. Il y a deux ans et demi, Moreau entend parler des monts Torngat, deuxième plus haute chaîne de montagnes au Canada. En fouillant sur le Web, il découvre un endroit magnifique et méconnu du Nord québécois.

«Ça m’a choqué, parce qu’on a travaillé dans le domaine du plein air, j’ai grandi en faisant du canot, et j’avais jamais entendu ce nom-là. J’ai regardé des photos et ça avait l’air absolument exceptionnel comme environnement. Je me suis dit : il faut que j’aille là.»

Une équipe se forme autour de lui. Roulx, Pier-Luc Morissette, Philippe Poulin, Charles Fortin et Sarah-Jeanne Giroux, tous dans la vingtaine comme Moreau, passeront leur été à se côtoyer, pour le meilleur et pour le pire. Ils vivront des moments de pur bonheur. Des moments de pur calvaire aussi.

Ensemble, ils s’attaqueront aux rivières De Pas, George et Koroc, ainsi qu’à la baie d’Ungava et aux falaises de la mer du Labrador, dans l’océan Atlantique Nord. Un itinéraire aux multiples menaces.

Au premier chef, les ours polaires. «J’en fais des cauchemars tous les soirs, lance Giroux. Avec notre expérience, on est capables de contrôler plusieurs paramètres, pratiquement tout ce qu’on fait quand on descend ou remonte des rapides. […] Il y en a un qu’on ne contrôle pas, c’est celui-là. Ça me fait freaker, parce qu’il y a quelques histoires d’horreur, comme celle d’une fille qui s’est fait sortir de sa tente, la tête dans la gueule d’un ours polaire.»

Par protection, les aventuriers traîneront deux fusils, feront des vigies. Avec l’aide d’un ami designer industriel, le groupe élabore même une «clôture à ours» qui permettra d’alerter la compagnie en cas de visite indésirable.

Les épiceries sur leur parcours étant pour le moins rarissimes (!), ils prépareront d’avance tous leurs repas. Déshydratés, emballés. Étant donné l’effort constant et les calories perdues, ils mangeront deux fois plus qu’en temps normal, calculent-ils. Un lourd bagage à traîner.

Multiples facettes

Parti d’un simple désir de découverte, le projet revêt aujourd’hui de multiples facettes. Parmi elles, un volet scientifique. Futur étudiant au doctorat en sciences forestières à l’Université Laval, Moreau profitera du «voyage» pour récolter des données sur les effets des changements climatiques sur les forêts du Nord.

«Le fait qu’on se rende déjà là est une chance inouïe. Ce sont des données d’une valeur inestimable», estime Moreau. Il prélèvera des carottes d’arbres le long de la rivière Georges, où la forêt est soumise à des conditions de plus en plus extrêmes, car elle coule vers le nord. Ses démarches sont appuyées par des experts du Centre d’études nordiques et du Centre de recherche sur les matériaux renouvelables.

La bande des six profitera aussi de son passage près de la communauté inuite de Kangiqsualujjuak pour s’y arrêter quelques jours, histoire d’enrichir leur expédition d’un volet plus humain, plus social.

Les membres du projet sont investis d’un désir de partager leur expérience, de faire connaître les beautés du Nord et de promouvoir de saines habitudes de vie. Déjà, avant même de partir, ils proposent des ateliers d’initiation au plein air et des conférences dans les écoles. Ça se poursuivra à leur retour, alors qu’ils auront des images plein la tête et un tas de choses à raconter, du bonheur au calvaire.

En un mot

Accore [akor] : Se dit d’une côte abrupte et rocheuse le long de laquelle les profondeurs augmentent rapidement et que les navires peuvent serrer de près.

Le parcours