Réginald Auger, professeur titulaire en archéologie à l’Université Laval, ne constate aucune évolution dans le discours fédéral à partir du compte rendu fait jeudi par le maire de Québec.
Régis Labeaume a rapporté que le premier ministre canadien appuyait le projet de mégacentre archéologique planifié au Séminaire de Québec, qu’il est disposé à prêter tous les objets nécessaires pour des expositions, mais qu’il préfère les installations ultramodernes à construire à Gatineau pour l’entreposage.
Ce qui fait dire à M. Auger que les libéraux fédéraux apparaissent désormais comme les complices du «sale travail» amorcé par les conservateurs pour «démanteler» l’expertise de Parcs Canada. Les entrepôts et laboratoires ont d’abord été rasés en même temps que la gare maritime Champlain, en 2012, tandis que de nombreux emplois de chercheurs étaient abolis. Les quelques millions d’artéfacts sont entreposés depuis dans des conditions et des bâtiments inadéquats.
Mais ce n’est pas tout de leur trouver un toit, dit M. Auger. Encore faut-il que les objets soient proches des citoyens pour qui ils ont une signification et aussi des chercheurs qui en ont besoin pour «produire des connaissances».
«Une collection qui n’est pas analysée, c’est une collection qui est près de la poubelle. […] Là on va prendre les collections, les envoyer dans un entrepôt. Des techniciens vont mettre des numéros dessus et c’est à peu près tout. Personne ne va faire de recherche» à partir de Gatineau, dénonce le professeur, rappelant le poids du patrimoine dans l’économie de Québec.
«Déportation culturelle»
«Pour les chercheurs, devoirs se rendre à Gatineau pour étudier, analyser, documenter, mettre en valeur ces objets, c’est un obstacle», confirme Lise Cyr, ethnologue et retraitée de Parcs Canada. Elle compare la future réserve fédérale à un centre commercial sans âme, faisant ressortir l’importance de conserver les objets historiques dans leur contexte, que ce soit à Québec, Grosse-Île ou en Gaspésie.
Pour la spécialiste, le déménagement des artéfacts de Parcs Canada équivaut à une «déportation culturelle». «C’est l’histoire du Québec au complet, depuis 6000 avant aujourd’hui jusqu’au milieu du 20e siècle, qui se trouve là-dedans», rappelle-t-elle.
Marcel Moussette, professeur retraité d’archéologie à l’Université Laval et ancien employé de Parcs Canada lui aussi, fait remarquer qu’avant d’être exposé, beaucoup de travail doit être fait sur un artéfact. Il faut d’abord étudier l’objet, le mettre en relation avec d’autres, le «faire parler» quoi. Et pour cela, il faut des gens intéressés à en tirer le maximum. Ce qui est le cas des chercheurs de Québec pour les objets de Québec, souligne-t-il.
Pour ces raisons, M. Moussette croit que le gouvernement fédéral n’a d’autre choix que d’investir dans le projet de réserve toute québécoise, où la Ville de Québec, l’Université Laval et le ministère de la Culture et des Communications du Québec veulent réunir leurs collections. Le scientifique demande également des ressources pour entretenir et restaurer les artéfacts afin que les générations futures puissent en profiter.