Si les médecins étaient les seuls dans le réseau de la santé à éprouver des difficultés, l’explication du ministre tiendrait peut-être mieux la route. Or, en août dernier, Le Soleil faisait état que la détresse et les suicides avaient augmenté chez les médecins et constatait aussi une hausse des congés de maladie prolongés chez d’autres catégories d’employés du réseau.
En 2013-2014, 413 millions $ ont été versés en assurance-salaire. L’année suivante, la note atteignait 423 millions $, puis 455 millions $ en 2015-2016.
Tout va bien, docteur? C’est encore là uniquement le résultat d’un tabou fracassé, de gens qui admettent enfin qu’ils ne sont pas surhumains, qu’ils ont des limites?
Si tel était le cas, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail n’aurait sûrement pas les soins de santé et d’assistance sociale dans sa mire pour 2017-2019.
Bien sûr, on ne peut rendre le ministre de la Santé responsable de tous les maux qui affectent le personnel du vaste réseau de la santé. Mais refuser de regarder ce qui se passe dans sa cour, c’est faire preuve d’un aveuglément nocif à la fois pour le personnel du réseau et les malades.
La présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, Dre Diane Francoeur, n’hésite pas pour sa part à pointer du doigt M. Barrette. Elle voit dans le recours accru au programme d’aide le résultat de la dictature du ministre.
«L’autocratie mine le moral des troupes», écrit-elle dans la revue Le Spécialiste. «Des collègues qui n’en peuvent plus, sans compter ceux qui ont choisi d’en finir définitivement. Ce n’est quand même pas de la fabulation.»
Elle joue son rôle de présidente et de négociatrice pour les médecins spécialistes, répliquerait sans doute le ministre. Comme il a répondu au député Amir Khadir qu’il ne devrait pas faire de la politique avec le dossier des médecins.
«De voir plus de consultations au Programme d’aide aux médecins du Québec, c’est une bonne chose. Ça ne fait que montrer que maintenant, dans ce corps professionnel là, on brise le tabou et on va consulter, ce qui est une bonne chose. Et il n’y a pas de lien avec les réformes.»
Où trouve-t-il cette assurance? «On ne peut pas faire de lien direct entre les suicides et les réformes, mais on ne peut pas dire que c’est inexistant», indiquait en août au Soleil, la directrice du programme, la Dre Anne Magnan.
«La grande majorité des clients ayant consulté le programme en 2016-2017 a évoqué les pressions du système de santé. Dans certains cas, cette pression constituerait le motif principal de consultation», rapportait cette semaine La Presse. Il est aussi noté que les directives pour augmenter la cadence génèrent chez des médecins la crainte de commettre des erreurs en raison d’une pratique qu’ils qualifient de «périlleuse».
Ce n’est pas rassurant, et pour plus d’une raison. Il y a des coûts humains et économiques qui se rattachent à tout ça. Le ministre devrait s’en préoccuper, voir quels ajustements pourraient être apportés plutôt que de nier que les transformations menées sous sa gouverne peuvent être en partie responsables des problèmes de santé des médecins et des employés du réseau.