On a appris il y a deux semaines que le ministre Barrette a perdu cette bataille interne qui l’opposait à Stéphanie Vallée. La ministre de la Justice a alors confirmé que le gouvernement du Québec ne donnera pas suite à sa requête. M. Barrette voulait que son gouvernement s’adresse aux tribunaux pour clarifier le «concept de mort raisonnablement prévisible».
«La décision de Stéphanie Vallée est déplorable», affirme en entrevue au Soleil Véronique Hivon, porte-parole du Parti québécois en matière de justice, de famille et de soins de fin de vie.
«C’est d’autant plus choquant qu’on laisse porter le poids de ces clarifications sur les épaules de personnes gravement malades, qui doivent elles-mêmes engager ce combat à leurs frais.»
Pour appuyer son refus, Stéphanie Vallée a fait valoir qu’au moins deux causes sont actuellement devant les tribunaux et qu’il n’est donc «pas approprié» pour le gouvernement du Québec «d’en saisir simultanément la Cour d’appel». Ces causes sont portées par deux citoyens de Montréal, Nicole Gladu et Jean Truchon. À la mi-juin, ils ont cogné à la porte de la Cour supérieure.
«Ces deux causes prouvent au contraire qu’il est plus urgent que jamais que la Procureure générale du Québec se saisisse du dossier», pense Véronique Hivon.
La députée péquiste rappelle que lorsqu’une démarche est portée par un gouvernement, le dossier se retrouve directement en Cour d’appel, ce qui évite le long passage par la Cour supérieure. «On peut tous prévoir que ces causes vont de toute façon se retrouver en Cour d’appel» et même éventuellement en Cour suprême. Si le gouvernement entreprenait une démarche de renvoi, on éviterait un détour, dit Mme Hivon.
La notion «de mort raisonnablement prévisible» doit être clarifiée, car elle est trop floue, selon elle. Elle n’est pas interprétée partout au Canada de la même façon. Au Québec, la loi sur l’aide médicale à mourir est claire, mais «le fait que deux lois se superposent» nuit à la clarté générale, estime-t-elle.
Question de fond
La loi fédérale limite trop l’aide médicale à mourir, d’après d’autres de ses détracteurs. Ne sachant trop ce que signifie précisément la notion de «mort raisonnablement prévisible», des médecins refusent des demandes qui auraient été acceptées si la loi fédérale avait été calquée sur l’arrêt Carter rendu par la Cour suprême du Canada en février 2015, disent-ils. Cet arrêt ouvrait la porte de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladies graves et incurables, mais non nécessairement mortelles.
Selon certains, si un tribunal, plutôt que de se contenter de clarifier la portée de la disposition sur la «mort raisonnablement prévisible», la déclarait inconstitutionnelle, l’aide médicale à mourir au Canada finirait par être élargie.
Au Québec, les médecins peuvent s’appuyer sur la loi québécoise, qui stipule qu’un malade doit être «en fin de vie». Ils agissent cependant dans le cadre d’une législation plus restrictive que celle d’Ottawa et que ce qu’avait proposé la Cour suprême du Canada, expliquent les tenants de l’arrêt Carter.
La ministre Stéphanie Vallée ne croit pas que la loi fédérale soit trop floue, comme l’a dit Gaétan Barrette et comme le dit Véronique Hivon.
Ceux qui craignent que cette législation soit un jour déclarée inconstitutionnelle appuient sa décision de ne pas demander de renvoi en Cour d’appel.