L’approche du gouvernement provincial qui consiste à miser sur la divulgation volontaire des consommateurs pour contrer l’iniquité est un échec. Moins d’une centaine de déclarations se font chaque année alors que des millions de transactions s’effectuent sur les plateformes numériques étrangères et des millions de dollars échappent à l’État. Malgré les travaux de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise dont le rapport a reçu l’appui unanime des parlementaires, le gouvernement ferme volontairement les yeux sur cette problématique. C’est à croire qu’il a oublié que nous sommes souverains de notre pouvoir de taxation!
Si le ministre Luc Fortin a reconnu que le traitement accordé à Netflix par Ottawa «vient cautionner une iniquité fiscale», bien peu ne bouge du côté de gouvernement québécois au-delà des bonnes intentions. En réponse à une question d’Amir Khadir à ce sujet à l’Assemblée nationale, le ministre Leitão dit préférer s’en remettre à une approche «multilatérale». Le ministre des Finances refuse de reconnaître la nécessité de moderniser nos lois fiscales.
La solution qu’il a annoncée mercredi consiste à simplifier l’inscription au registre de la TVQ et miser sur la collaboration et la participation des géants du numérique. Cela n’offrira aucune emprise à Revenu Québec sur les multinationales étrangères. Par exemple, ce changement administratif ne permettra pas à Revenu Québec d’envoyer des avis de cotisation aux géants du numérique qui ne s’inscriront pas.
Pour les PME du Québec, le gouvernement est pourtant ferme : elles doivent payer taxes et impôts. Elles peuvent difficilement y échapper. Pourquoi deux catégories de règles, l’une stricte pour les acteurs économiques locaux et l’autre complaisante pour les nouveaux géants de l’économie numérique? Plutôt que de favoriser une économie de gruyère, où des millions de dollars échappent à l’État chaque jour, favorisant au passage les échappatoires et la concurrence déloyale, le gouvernement provincial se doit d’avoir une vision globale pour adopter une stratégie cohérente. D’autant plus qu’il est urgent d’agir, car les géants du web menacent nos acquis sociaux. Alors que l’économie stagne, que nos services publics ainsi que nos programmes sociaux se dégradent, c’est tout un pan de l’économie qui est menacé par l’inaction des pouvoirs publics.
Revenu Québec chiffrait les pertes fiscales liées à la TVQ non perçue à 300 millions $ en 2012, mais nous évaluons que ces pertes sont maintenant de l’ordre de 750 millions $. Et chaque année la situation se détériore. Alors que le gouvernement fédéral s’agenouille devant les géants du numérique, le Québec a tous les pouvoirs et compétences pour changer le cadre législatif afin de permettre l’imposition des transactions en ligne. Le gouvernement du Québec a les moyens d’agir efficacement et rapidement en appelant le projet de loi 997 du député Amir Khadir qui vise la modernisation de nos lois fiscales.
S’inspirant d’une proposition élaborée par l’avocate fiscaliste Me Marwah Rizqy, proposition qui a également eu l’appui de l’OCDE, le projet de loi du député de Mercier propose enfin d’adapter nos lois fiscales à l’économie du 21e siècle en redéfinissant la notion légale «d’établissement stable» pour y inclure les sites web transactionnels. Ainsi, tout fournisseur de service étranger devrait répondre aux exigences de Revenu Québec, notamment l’obligation de s’inscrire au registre de la TVQ dès qu’il atteint le seuil de 30 000 $ de fournitures taxables en sol québécois.
Une loi est nécessaire pour s’adapter à l’économie du 21e siècle. M. Leitão et M. Couillard, vous avez maintenant l’opportunité de répondre concrètement à nos préoccupations criantes concernant la pérennité et le rayonnement du commerce de détail, de la culture et des médias, de l’industrie du taxi et de l’hôtellerie en matière d’économie numérique. Le projet de loi 997 déposé par le député Amir Khadir vise justement à ce que cette révolution technologique ne permette plus l’évasion fiscale et la concurrence déloyale. Il est de votre devoir de le faire cheminer.
Alain Deneault, auteur de Paradis fiscaux: la filière canadienne
Ariane Moffatt, auteure, compositrice et interprète
Benjamin Hogue, directeur de l’Observatoire du documentaire
Claude Vaillancourt, président de l’Association québécoise pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne
Denis Villeneuve, réalisateur et scénariste québécois
Eric Blackburn, copropriétaire du Port de tête
Hicham Berouel, propriétaire de taxi Levis 9000
Hugo Latulippe, président de l’Observatoire du documentaire
Jean-Claude Lord, cinéaste, réalisateur, scénariste, monteur, producteur et romancier
Laure Waridel, directrice exécutive du Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable
Laurent Dubois, directeur général de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois
Louise Beaudoin, ancienne ministre de la Culture et des Communications du Québec
Martin Turcotte, copropriétaire du Port de tête
Omar Berri, Regroupement des Propriétaires de taxi de Montréal
Peter Simons, président-directeur général de La Maison Simons
Philippe Falardeau, réalisateur et scénariste québécois
Stéphanie Moffatt, gérante d’artistes
Suzanne Aubry, présidente de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois
Jean-Baptiste Gatineau, copropriétaire de Le Valet d’Coeur
Martin Cassel, copropriétaire de Le Valet d’Coeur
Xavier Gret, directeur général de l’Association Hôtellerie Québec