Pour les membres de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME), c’est surtout l’opportunité de réfléchir à ce que nous ne voulons pas dans nos aliments. Le 25 octobre, l’Association des médecins francophones du Canada tenait une conférence pour discuter précisément des effets des pesticides sur la santé humaine.
Les herbicides à base de glyphosate sont les plus utilisés dans le monde. Le glyphosate est l’ingrédient actif de l’herbicide Roundup, qui a été commercialisé par Monsanto dans les années 70. Quelque 200 pesticides qui contiennent des herbicides à base de glyphosate sont actuellement homologués au Canada. Ils sont abondamment utilisés, notamment pour éliminer les mauvaises herbes dans les espaces verts urbains, sur les terrains industriels et boisés, ainsi que sur plus d’une centaine de cultures vivrières. Au-delà de 25 000 tonnes de glyphosate ont été vendues au Canada en 2014. La présence d’herbicides à base de glyphosate a été détectée dans une grande variété d’aliments vendus au Canada, dont le blé, l’orge, les lentilles, le soya, les pois, les betteraves, le maïs ainsi que des produits à base de céréales comme la bière de même que dans des céréales pour le petit-déjeuner.
Des effets alarmants ignorés
De nombreuses études sur la santé révisées par les pairs ont démontré que les glyphosates peuvent avoir des effets perturbateurs sur le système endocrinien (dérégler le système hormonal du corps), qu’ils peuvent augmenter les risques de cancer, les risques de malformations congénitales, diminuer la fertilité et endommager le foie. Certaines études plus récentes ont permis de constater que les produits à base de glyphosate sont jusqu’à 1000 fois plus toxiques que l’ingrédient actif seul.
Malgré cela, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) ne semble guère préoccupée. En avril 2017, après une réévaluation des données constituant la preuve scientifique des conséquences du glyphosate sur la santé humaine, l’ARLA a déclaré que : le glyphosate est peu susceptible de présenter un risque inacceptable de cancer pour les humains; l’exposition par l’eau et les aliments ne devrait pas poser de risque inacceptable pour la santé humaine; les usages professionnel et résidentiel du glyphosate ne posent pas des risques inacceptables tant que le mode d’emploi sur l’étiquette est respecté.
Une réévaluation négligente
Ces conclusions pourraient être rassurantes si nous avions la certitude que la réévaluation a été réalisée de façon exhaustive et au moyen d’études indépendantes et révisées par les pairs. Or, ce n’est pas le cas : la majorité des études citées qui ont servi à la réévaluation ont été publiées avant 1996.
C’est pour ces raisons et plusieurs autres que l’ACME se joint à Équiterre, Environmental Defence, la Fondation David Suzuki et à l’organisme Prevent Cancer Now afin de soumettre un avis officiel d’opposition au maintien de l’homologation des utilisations de l’herbicide glyphosate au Canada. Ensemble, nous enjoignons à la ministre fédérale de la Santé de désigner un groupe d’experts indépendants, tel que le permet la loi, afin de procéder à un examen des données probantes relatives au glyphosate et aux herbicides à base de glyphosate, afin d’assurer que cette nouvelle évaluation tienne compte des conclusions d’études du domaine public qui sont à la fois récentes, indépendantes et révisées par les pairs. Nous prions la ministre de protéger les Canadiens contre les glyphosates et de leur redonner confiance en l’Agence de réglementation de Santé Canada.
Dr Jean Zigby, président
Dr Éric Notebaert, membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME)