Il juge inconcevable et injustifié de n’avoir obtenu aucune réponse de l’Agence du revenu du Canada sur le statut d’organisme de bienfaisance qu’il sollicite depuis 18 mois. Soupçonnant des motifs politiques, il demande à la Cour fédérale de dessaisir l’Agence du dossier, une mesure extrême.
Aussi connu sous l’acronyme d’IRAI, l’Institut réclame que la Cour rende «inhabile» l’Agence du revenu du Canada à rendre une décision, ont appris Le Soleil et The Gazette.
Sûr de son bon droit, l’IRAI veut même que la Cour se substitue à l’Agence du revenu et qu’elle se prononce elle-même sur son admissibilité au statut d’organisme de bienfaisance. La requête en est une dite «de contrôle judiciaire».
Une affaire de sous
Le statut d’organisme de bienfaisance facilite l’obtention de dons des citoyens. Il permet aux donateurs qui le souhaitent d’obtenir un crédit d’impôt pouvant équivaloir à la moitié de leur contribution — entre 42 % et 48 %, en fait. En l’obtenant du palier fédéral, l’IRAI l’obtiendrait par ricochet de l’Agence du revenu du Québec.
C’est en février 2015, en pleine course à la succession de Pauline Marois à la tête du Parti québécois, que Pierre Karl Péladeau avait annoncé son désir de voir naître un institut de recherche sur la souveraineté.
Le désormais ex-chef du Parti québécois avait par la suite promis qu’il ferait un «don important» à cet organisme. Il lui a octroyé un prêt personnel pour lui permettre de lancer ses activités. M. Péladeau siège à son conseil d’administration.
Aussi une affaire d’équité
L’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et des indépendances nationales a cogné à la porte de l’Agence du revenu du Canada le 9 juin 2016.
Depuis, le dossier paraît être une patate chaude. Selon des informations que l’IRAI a pu recueillir, «au moins 13 préposés de l’Agence d’au moins quatre paliers hiérarchiques et d’au moins quatre divisions différentes ont procédé à l’analyse et émis des avis et des recommandations sur l’admissibilité de l’IRAI au statut d’organisme de bienfaisance». Rien n’en a filtré.
Et «aucun motif n’a pu être donné pour expliquer la prolongation incessante du délai» d’étude de la demande, déplore l’avocate de l’IRAI, Me Jessica Gaumond, selon qui sa qualification au statut convoité ne peut faire aucun doute.
Mme Gaumond fait valoir que l’Agence du revenu du Canada reconnaît depuis longtemps l’admissibilité d’instituts de recherche au titre d’organismes de bienfaisance. C’est le cas de l’Idée fédérale, qui a pour mission de réfléchir au fédéralisme, un organisme semblable à l’IRAI, souligne-t-elle.
La requête devant la Cour fédérale laisse entendre que des motifs politiques expliquent ce délai. La demande aurait été analysée avec des «préjugés» s’appuyant sur le nom de l’organisme, son mandat et peut-être aussi sur l’identité de la personne ayant eu l’idée de sa création.
L’IRAI pourrait réclamer des dommages et intérêts à l’Agence du revenu du Canada.
Il n’en est cependant pas là. Pour l’heure, il presse la Cour d’intervenir rapidement, faute de quoi, argue-t-il, il subirait un préjudice «grave et irréparable» — selon ses mots.