En période de compression budgétaire, le MIDI a annoncé en 2014 qu’il fermait ses sept bureaux régionaux pour confier le travail d’accueil et d’intégration à quelque 250 partenaires, et ce, afin de réaliser des économies de 4,6 millions $.
L’impact de cette décision ainsi que d’autres la précédent ont été dévastatrices, selon le syndicat représentant les professionnels travaillant au MIDI. Celui-ci a récemment colligé des données sur les effets de l’opération de «démantèlement» qui s’est opérée, selon lui, au fil des dernières années au sein du ministère (voir autre texte).
Le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) n’est pas le seul à avoir constaté les conséquences de ces changements et du rapatriement des effectifs à Montréal. Le directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), Stéphane Reichold, évoque de «très gros problèmes de communication».
«Par exemple, quand Québec envoie 300 réfugiés à Sherbrooke, il n’a aucune idée de ce qui leur arrive par la suite. Sont-ils au chômage? Repartis chez eux? Ont-ils des problèmes de santé?», illustre-t-il. Le MIDI déploie pourtant de nombreux programmes, «de la Gaspésie à Gatineau en passant par Rouyn-Noranda», mais a très peu d’information sur l’impact de ces programmes. C’est la même chose pour la francisation», souligne M. Reichold.
«On voulait être plus efficace, on voulait que ça coûte moins cher, mais en fin de compte, on s’aperçoit que le ministère a perdu beaucoup d’expertise et de capacité d’intervention, pas juste avec les organismes, mais avec les municipalités et les instances en région. Il y a un problème de leadership, d’orientation et de stratégie», déplore-t-il.
Un rapport qui force des changements
Selon lui, la Vérificatrice générale aurait également mis le doigt sur ces problématiques constatées sur le terrain et par les professionnels du MIDI puisqu’il s’apprête, à la fin novembre, à publier un rapport pour les mettre en lumière. Depuis qu’il l’a en main, le MIDI s’emploierait donc à corriger certaines situations, surtout en région.
Il n’est pas question de rétablir les bureaux régionaux, mais plutôt d’ajouter des ressources avec Emploi Québec par exemple, notamment pour répondre aux besoins de main-d’œuvre des employeurs en région qui n’ont plus d’interlocuteur clair depuis plusieurs années. La mécanique resterait encore à finaliser.
Ces nouveaux investissements s’ajoutent à ceux, récurrents, promis aux organismes communautaires chargés d’accueillir les réfugiés, comme le Centre multiethnique de Québec, qui avait publiquement dénoncé le mois dernier la baisse de son financement deux ans après l’accueil de réfugiés syriens. Stéphane Reichold se réjouit de ce qui semble être un changement de cap important de la part du MIDI et espère que celui-ci sera durable tandis que le président du SPGQ, Richard Perron, se dit satisfait de savoir que les doléances de son organisation ont été entendues. Il se désole cependant qu’il ait fallu une crise avant d’agir.
INCAPABLE D'ACCOMPLIR SA MISSION
Depuis quelques années, Québec a démantelé pièce par pièce le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), si bien que celui-ci n’a plus la capacité d’accomplir sa mission de sélectionner et d’intégrer les immigrants.
C’est du moins le constat que tire le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), qui a préparé un bulletin sombre de l’opération de «réforme administrative» engagée par le gouvernement du Québec il y a plusieurs années, qui a notamment mené à l’élimination de sept bureaux régionaux et de certains bureaux d’immigration à l’étranger.
«Ça fait des années que nos délégués lancent des cris du cœur», affirme le président de l’organisation, Richard Perron, qui signale la détresse de ses fonctionnaires autrefois très engagés auprès des candidats à l’immigration ou des nouveaux arrivants et dont le travail a été remplacé bien souvent par de nouvelles technologies qui n’ont pas fait leurs preuves, selon lui. «On s’ouvre à de la fraude», cite-t-il en exemple comme conséquence possible de ce «désengagement» du MIDI.
DÉCALAGE TERRIBLE
M. Perron fait également valoir «le décalage terrible» entre le discours des politiciens et le terrain, surtout lorsqu’il y a des «crises d’immigration» comme celle des Syriens en 2015 et des Haïtiens au cours de l’été.
Il juge que «les bonnes questions» ne sont pas posées dans ces périodes troubles où la démagogie prédomine, notamment celle concernant l’expertise du gouvernement à les gérer mais surtout à les prévenir grâce à une meilleure planification de l’immigration dans la province.
Selon le président du syndicat, les ministres de l’Immigration, que ce soit autrefois Kathleen Weil et désormais David Heurtel, omettent notamment de dire qu’ils ont raté leur cible en 2015-2016 en ce qui a trait aux taux de francisation des nouveaux arrivants ou ceux d’immigrants en emploi arrivés depuis cinq ans ou moins.
QUELQUES CHIFFRES TIRÉS DE LA NOTE D'INFORMATION DU SYNDICAT
-Diminution de près du quart des employés professionnels travaillant au MIDI entre 2009 et 2017 (de 351 à 274)
-Diminution d’environ 13 millions $ des dépenses liées à la mission d’immigration et de francisation entre 2010 et 2015
-Le soutien financier du MIDI à l’action communautaire a diminué de 18 à 14 millions $ entre 2010 et 2015
-De 2010 à 2014, le MIDI a retourné 70 millions $ au fonds consolidé. Il s’agit essentiellement de l’argent reçu d’Ottawa pour l’intégration de nouveaux arrivants, mais qui est remis dans la cagnotte de l’État pour l’ensemble de son fonctionnement.
-45 % des effectifs de la Direction générale des technologies de l’information sont constitués de consultants.