«Le plus long qu’on a été séparés, c’est quand un de nous deux allait faire le lavage», rigole le guide de plein air et ancien militaire. Une présence constante que le couple apprécie au plus haut point, mais qu’il sait un grand luxe dans nos vies d’urbains pressés. Pour le duo de voyageurs, c’est une solide complicité qui s’est bâtie au fil de l’eau. Dans cette vie de nomades, les amoureux mariés depuis 2007 ont appris à régler systématiquement tout différend «avant de rentrer dans la tente».
Partis à l’été 2014, Pierre, Jennifer et leur chienne Jasmine sont rentrés à Québec la semaine dernière. Au compteur, plus de 20 000 km en canot. D’abord à travers les États-Unis, puis au Canada, d’est en ouest par le nord du pays, avant de repartir en sens inverse au printemps dernier en direction de la maison.
Un chez soi qui n’est peut-être plus uniquement ici, à Québec. Car après tout ce temps sur la route, ils sont désormais chez eux partout. Sans compter que les sympathiques aventuriers ont tissé un vaste réseau d’amitiés qu’ils savent cultiver. Attablés dans un restaurant de Limoilou pour le petit déjeuner au lendemain de leur arrivée, Pierre et Jennifer étaient détendus et sereins. Une «zénitude» qui était belle à voir.
Pas de «blues» de fin de voyage à l’horizon. Car après un peu de temps avec la famille et les amis, le duo de Wild Raven Adventure se plongera dans de nouveaux projets. Un peu partout, les offres sont au rendez-vous. «On a de l’ouvrage», résume le canoteur de 58 ans, qui prévoit prendre quelques contrats ici et là — en rénovation notamment — pour renflouer les coffres. Pendant ce temps, Jennifer, 37 ans, s’attaquera aux projets de livres et de documentaire qu’ils imaginent depuis déjà un moment.
Des moteurs pour la suite des choses. «On repart au printemps», assure Pierre. Un retour à leur vie normale si on peut dire, celle qu’ils ont su mettre en place, un coup d’aviron à la fois. Cette fois cependant, c’est un «roadtrip» plus régulier — et motorisé — qu’ils ont en tête. Puis éventuellement, ce sera un retour à l’action à bord d’un petit voilier ou autrement. Ça reste à déterminer, mais l’eau ne sera jamais bien loin.
Mais d’abord, «on veut faire un documentaire sur les gens qui ont changé notre vie durant le voyage. Retourner aussi voir ceux dont on a changé la vie…» Comme cette dame dans la soixantaine rencontrée dans les Keys, en Floride.
Rencontre déterminante
À la recherche du meilleur endroit pour faire la mise à l’eau du canot dans un endroit difficile à cause des courants, Pierre avait croisé la femme par hasard. Après avoir engagé la conversation, il s’était mis à lui parler du voyage. D’où ils arrivaient, où ils s’en allaient. Il lui avait laissé une carte d’affaires. Sans le savoir, il venait de lui sauver la vie…
«Elle s’est mise à nous suivre, on s’est écrit», poursuit Jennifer. «Ce jour-là, elle voulait se suicider. Elle voulait se jeter dans le courant. Mais ce n’est qu’un an et demi plus tard qu’on l’a su. Qu’elle nous l’a dit…»
Par procuration, l’aventure des Québécois aura été thérapeutique pour la dame qui ne voyait plus d’issue à ses problèmes financiers, notamment.
D’autres fois, c’est la générosité des gens rencontrés qui a fait grandir Pierre et Jennifer. Ils ont tant appris et découvert au contact de ceux qui habitent tous ces endroits visités. «On comprend mieux certaines réalités après y avoir vécu», résume Pierre. Comme celle des Premières Nations. Les Québécois restent encore marqués par cette rencontre avec l’aînée crie Stella Neff, à Grand Rapids, au Manitoba.
Une leçon de sagesse, de résilience et de courage qui a grandement impressionné le couple.
«Le voyage nous a changé de plein de façons», insiste Pierre, qui apprécie de plus en plus le mode de vie simple lié à l’aventure. «Je n’ai même plus de montre!»
Devant le flou des prochains mois qui demeure, le couple ne s’en inquiète plus comme avant. «L’après» ne fait plus peur. Au contraire, cette fenêtre ouverte n’est qu’une occasion pour de nouvelles opportunités. «On s’en va dans du nouveau!» philosophe Pierre. «Mais on ne refait pas carrière», garantit aussitôt Jennifer avec son sourire habituel.
La vie nomade est devenue leur véritable réalité. Une identité qu’ils embrassent avec bonheur et dont ils ne veulent plus se passer.
Info: wildravenadventure.com
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/FMYXAR5FORBRRJX6HZV6PR3WJY.jpg)
Expédition ou voyage d’aventure?
Après presque quatre ans à sillonner l’Amérique du Nord en canot, Pierre Pépin et Jennifer Gosselin sont devenus des références pour les aventuriers qui veulent découvrir à leur tour les routes navigables de nos ancêtres. Les médias sociaux aidant, le couple n’est jamais bien loin pour transmettre son expertise. Car à écouter les deux canoteurs, pareil périple est plus accessible qu’on pourrait le croire. Il suffit d’y mettre la préparation et de faire son apprentissage avant de se lancer. Pierre Pépin observe cependant une différence bien marquée entre ce qu’il qualifie de voyage d’aventure — ce qu’ils ont fait —, sans grands risques et périls, et une expédition en bonne et due forme, où le succès est incertain et où l’exploit sportif est nécessaire dans un cadre bien précis. Le duo de Wild Raven doit souvent apporter la précision. «Nous, on était en vacances pendant quatre ans!» insiste sans fausse modestie l’aventurier d’expérience. «Je tiens simplement à redonner le crédit à ceux qui réussissent comme ils l’ont prévu», image le canoteur nomade, citant en exemple la traversée de près de 43 jours en Antarctique de l’explorateur polaire de Québec, Sébastien Lapierre. Une première canadienne qui avait tout d’une véritable expédition, précise Pépin.
****
Quatre ans en quatre moments forts
1- Un lieu
Pendant 24 jours à l’été 2016, Pierre Pépin et Jennifer Gosselin n’ont pas croisé âmes qui vivent sur la rivière Churchill, dans le nord de la Saskatchewan. «C’est une rivière extraordinaire», insiste Jennifer, toujours sous le charme du magnifique cours d’eau. «On a A-D-O-R-É!»
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/QEW2RRHEMNF2JFPMIQ2GJO3INQ.jpg)
2- Une rencontre
De toutes les rencontres qu’ils ont faites durant leur aventure à travers l’Amérique du Nord, c’est celle avec la Crie Stella Neff, une universitaire en anthropologie, qui se démarque. Rencontrée en mai 2016 à Grand Rapids, au Manitoba, la septuagénaire a su leur partager sa passion pour sa culture et raconté le drame des Premières Nations. «Elle porte encore les marques aux mains des coups des enseignants de son enfance…» se désole Jennifer Gosselin.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/TS2Y2TWAVNBO5K3ENBHVPLCZUU.jpg)
3- Des animaux
S’ils ont vu une tonne d’ours noirs, Jennifer Gosselin se souvient très bien des premières traces de grizzly observées à la fin de l’été 2016, sur la Peace River, en Alberta. «Elles étaient fraîches!» Heureusement, il n’y a pas eu de rencontre de tout le voyage. Sans doute que Jasmine, une chienne d’ours de Carélie, n’est pas étrangère à cette tranquillité.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/ZERTTYOX7BHHHLUK3FMXA3TUOA.jpg)
4- Un campement
Des nuits et des nuits sous la tente dans toutes les conditions. Du lot, les campements sur les abords de la Baie Georgienne, en Ontario, remportent la palme. Durant l’Odyssée NorAm, le duo a visité le secteur en juillet 2014, puis en septembre 2017. Et impossible de s’en lasser : «Il y a plus de 30 000 îles!» décrit Jennifer Gosselin. De beaux rêves assurés!
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/VYZZ5KZEZRGW3NNRFWB2K54U2Y.jpg)