L’aéroport de Sainte-Hélène enfin fonctionnel

La construction de l'aéroport de l'île Sainte-Hélène a été compliquée par le relief accidenté du petit territoire britannique, célèbre pour avoir servi de dernier lieu de captivité à Napoléon Bonaparte.

JAMESTOWN - Le premier vol commercial a atterri samedi à Sainte-Hélène, petite île britannique perdue dans l’Atlantique sud, mettant fin à des siècles d’isolement pour les habitants de ce rocher où Napoléon est mort en exil.


Une centaine de personnes, souvent en familles, avaient fait le déplacement jusqu’à l’aéroport flambant neuf pour assister à l’atterrissage, dans un ciel chargé, de l’Embraer 190 en provenance de Johannesburg.

Une fois sur le tarmac, la soixantaine de passagers ont été accueillis au pied de l’avion par la gouverneure de Sainte-Hélène, Lisa Phillips, tout sourire, flanquée des drapeaux de l’Afrique du Sud et de Sainte-Hélène.

Cet aéroport «nous connecte au monde et nous ouvre sur le monde», s’est réjoui Niall O’Keeffe, chargé du développement économique de l’île, rejetant le qualificatif d’«aéroport le moins utile au monde».

Sa construction - véritable prouesse technique en raison du relief accidenté de l’île - a coûté 285 millions de livres (presque 472 millions $CAN). Une somme colossale pour un territoire qui abrite quelque 4500 habitants.

Partie émergée d’un volcan, l’île Sainte-Hélène, d’une superficie de 122 km2, est située à mi-chemin ou presque entre l’Afrique et l’Amérique latine.

Son isolement en a longtemps fait un lieu de détention prisé des autorités britanniques : l’empereur Napoléon 1er y a été captif de 1815 jusqu’à sa mort en 1821, mais aussi des milliers de prisonniers boers sud-africains au XXe siècle.

Sainte-Hélène est l’une des dernières destinations au monde qui n’était accessible qu’après un long voyage en mer. Cinq jours à une vitesse moyenne de 15 noeuds (28 km/h) depuis le Cap.

La gouverneure de Sainte-Hélène, Lisa Philipps, était sur place pour accueillir les premiers passagers.

Seul un bateau, le RMS St. Helena, reliait les habitants de l’île au reste du monde. Toutes les trois semaines, il y acheminait nourriture, passagers, courrier, véhicules... Tout, sauf le carburant livré par pétrolier.

Mais cette époque est désormais révolue.

Samedi, Teddy Fowler, 69 ans, était à bord du premier vol commercial. Il a dû rentrer du Royaume-Uni à Sainte-Hélène pour l’enterrement de sa mère. Avec le bateau, il n’aurait pu arriver à temps.

Grâce à l’ouverture de l’aéroport, «notre famille et nos amis vont désormais pouvoir nous rendre visite», s’est réjoui une autre passagère, Catherine Man, la seule vétérinaire de l’île.

Vents imprévisibles

«On est si heureux que l’aéroport ouvre enfin», explique la directrice de l’office du tourisme local, Helena Bennett.

Il faut dire que le chantier a été gigantesque et pris du retard, compte tenu notamment de l’absence de terrain plat suffisamment long pour accueillir une piste de 1,95 km.

Il a fallu raboter une montagne et remblayer une vallée entière avec plus de 7 millions de mètres cube de terre pour surélever le terrain de 100 mètres. La piste toute neuve se termine au nord par un à-pic impressionnant de 300 mètres sur l’océan.

Initialement, l’aéroport devait être inauguré en grande pompe en 2016 par le prince Edward. C’était sans compter sur les conditions climatiques de l’île : des vents contraires imprévisibles qui compliquent atterrissages et décollages. Quelques semaines avant le jour J, la cérémonie avait été annulée et l’ouverture de l’aéroport reportée sine die.

C'est dans cette maison, nommée Longwood House, que l'empereur Napoléon 1er est décédé, le 5 mai 1821. La mise en service de l'aéroport permettra aux autorités de Sainte-Hélène de stimuler le tourisme auprès des férus d'histoire.

Finalement, après plus d’un an de calculs et de vols tests, il a été convenu qu’un avion plus petit assurerait la liaison : l’Embraer 190 avec 76 places a été préféré au Boeing 737-800 d’une capacité de 120 passagers.

Sainte-Hélène va être desservie par un vol hebdomadaire en provenance de Johannesburg. Un vol mensuel vers Ascension, à environ 1125 kilomètres de là, sera mis en place prochainement.

En fonction de la demande, les rotations pourraient augmenter, expliquent les autorités de Sainte-Hélène.

Doper le tourisme

Il faut compter au moins 804 livres (1330 $CAN) pour un aller-retour depuis l’Afrique du Sud.

Un prix qui fait grincer des dents les insulaires — dont le salaire annuel moyen est de 7280 livres (12 050 $CAN) — et les touristes.

«C’est plus cher qu’un vol pour Londres» depuis l’Afrique du Sud, note une mère de famille sud-africaine, Jacqui Wilson, qui a économisé pour ce vol «historique».

L’aéroport «va amener des touristes et nous permettre d’améliorer le niveau de vie des gens», estime cependant la gouverneure, Lisa Phillips.

L’avion doit permettre, selon Londres, de réduire la dépendance de Sainte-Hélène vis-à-vis du gouvernement britannique. 

Sainte-Hélène a accueilli 595 touristes en 2016, selon Londres. Avec son héritage napoléonien, ses plantes rares, ses dauphins, elle ne manque pourtant pas d’attrait. Mais les infrastructures ont du mal à suivre : aucun hôtel n’a de site internet et l’île ne dispose pas de distributeur automatique de billets.

Pour les nostalgiques des traversées maritimes, le RMS St. Helena, avec ses 56 cabines au charme suranné, assure encore ses rotations jusqu’en février 2018.