Pourquoi cacher le fleurdelisé dans la pièce 887?

Robert Lepage dans 887

Ces jours-ci, les Québécois ont l'occasion de visionner sur les grandes chaînes les films d'archive et les reportages sur la visite historique du général de Gaulle, voilà 50 ans. Le contraste est frappant entre ces images qui démontrent la ferveur populaire à l'égard de De Gaulle et l'avènement d'un Québec français par rapport au traitement qu'en fait le dramaturge Robert Lepage dans sa pièce 887.


Je déplore et dénonce le fait que monsieur Lepage travestit la réalité, au détriment du fleurdelisé et De Gaulle. En effet, à aucun moment le drapeau québécois n'apparaît dans cette pièce qui porte pourtant sur l'histoire du Québec des années 60, lesquelles étaient largement dominées par l'effervescence nationaliste. L'Union Jack anglais et l'unifolié canadien sont utilisés et montrés très respectueusement. Quant au drapeau tricolore français, il est très visible essentiellement... pour s'en moquer lors de la visite du général en 1967. Jamais de bleu du fleurdelisé. Ses oeuvres antérieures démontrent que Robert Lepage est passé maître dans l'utilisation des symboles. Pourquoi cache-t-il le fleurdelisé ?

Pourquoi un tel choix si contraire au drapeau arboré par les Québécois le long du Chemin du Roy en 1967? Est-ce pour ne pas déplaire à ses publics «mondialisés» anglophones? À 76 ans, le président de Gaulle a fait une ponction de 15 jours dans sa vie et il s'est farci un voyage de 8 jours dans une mer démontée pour apporter son soutien à nos efforts visant à vivre en français et à obtenir une réforme du régime constitutionnel. Il est venu nous dire son affection et celle de la France.

Robert Lepage traite la démarche de De Gaulle avec dédain, sarcasme et raillerie. Il lui fait injure en le réduisant à l'état de petite marionnette gesticulant follement et provoquant des rires dans l'auditoire. Honte à Robert Lepage! C'est méprisant tant pour le président que pour la majorité de Québécois francophones qui ont jugé, dans le sondage publié en août 1967, que le général avait eu raison de crier «Vive le Québec libre!».

Une telle parodie anti-française et l'exclusion du fleurdelisé ne m'auraient pas surpris venant d'un Mordecai Richler. Mais venant de Robert Lepage, j'en suis estomaqué. Je ne m'explique pas pourquoi un francophone et homme de théâtre aussi talentueux que lui prend plaisir à diffuser à travers le monde une vision aussi dénaturée de notre histoire. Est-ce pour s'assurer des salles combles à Londres, à Toronto, à Moscou, à Ottawa et ailleurs, où casser du sucre sur le dos de De Gaulle est toujours rentable? Ou bien, est-ce pour donner des gages aux organismes subventionnaires fédéraux afin d'obtenir un financement plus généreux pour ses projets?

Quoi qu'il en soit, je déplore ce traitement tronqué de notre histoire, l'exclusion de notre emblème dans 887 et l'injure sarcastique envers De Gaulle.

Roger Barrette, historien, Québec