Et d'autres sur la frustration québécoise, qui a fait dire au président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Maxime Laporte, que la déclaration du général «se révèle toujours source de malaise chez les plus domestiqués d'entre nous...»
«Un nouveau printemps viendra. Il le faut» a conclu M. Laporte dans une lettre au Devoir, après avoir affirmé que l'idée d'indépendance s'avère sensiblement plus vigoureuse qu'ils (les domestiqués) ne le prétendent, et que nos espérances n'hiberneront pas indéfiniment».
N'en déplaise à M. Laporte, on ne refait pas l'histoire. Même si le 50e anniversaire de cette déclaration a quelque peu relancé le débat sur notre niveau de liberté, en tant que nation, ce serait une erreur de se créer des illusions en faisant fi de ce qui s'est passé chez nous, au cours des cinq dernières décennies. Le Québec de 2017 n'est plus celui de 1967 ou même de 1980, année du premier référendum sur la souveraineté.
La démographie a profondément changé le visage de notre société. De l'an 2000 à 2013 seulement, le Québec a reçu 632 100 immigrants sur son territoire. Si on soustrait le total des gens qui l'ont quitté pour l'étranger ou une autre province pendant cette même période de temps, c'est tout de même 444 323 personnes de plus qui se sont installées chez nous, en provenance de l'étranger, et la tendance n'a pas diminué depuis 2013. Ces nouveaux Québécois, qui viennent souvent de pays bouleversés par la guerre ou aux prises avec de grandes difficultés économiques, ne sont pas débarqués ici pour faire la souveraineté. Pour la très grande majorité, c'est au Canada qu'ils ont trouvé refuge en s'installant ici.
Le Québec que de Gaulle a rencontré en 1967 n'était pas encore prêt à prendre sa liberté en 1980 et il n'existait plus au référendum de 1995, ce qui a amené Jacques Parizeau à déplorer l'influence du vote ethnique. Nul besoin d'être mathématicien pour faire le calcul de ce qui reste en 2017 du Québec de 1967 après de tels changements démographiques. Les multiples stratégies souverainistes des leaders péquistes, depuis Lucien Bouchard jusqu'à Jean-François Lisée, témoignent d'ailleurs de ces changements. Pierre Karl Péladeau a également fait allusion à cette situation pendant sa course à la direction du Parti québécois, lorsqu'il a déclaré qu'avec «l'immigration, c'est certain qu'on perd un comté par année».
L'autre Québec qui a changé, c'est celui de l'économie qui a ouvert ses portes aux francophones, c'est celui de la constitution qui s'est échouée sur les rives du Lac Meech, c'est celui de l'ouverture sur le monde qui a permis de franchir les frontières dans toutes les disciplines et toutes les directions.
Le chemin du Roy, qui a mené le général de Québec jusqu'à Montréal, s'inscrit dans un grand moment de fierté nationale qui a vu le peuple québécois affronter des défis qu'on aurait cru insurmontables 20 ans plus tôt. Mais il rappelle également le rendez-vous manqué de ce peuple avec sa souveraineté, qu'il aurait pu assumer s'il avait été prêt à courir le risque en 1980. On ne refait pas l'histoire, mais on doit en tirer des leçons, dont la première est d'appuyer nos efforts sur la nouvelle réalité de ce siècle, et non pas sur les espoirs ou les illusions du passé.