La «droite-auto» change la donne

Le candidat à la mairie de Québec Jean-François Gosselin

CHRONIQUE / L'émergence de partis de «droite» change l'équation de la prochaine campagne municipale à Québec.


Peut-être pas assez pour mettre le maire Labeaume en péril, mais assez pour gruger ses appuis et ajouter du suspens à une course qui pouvait paraître encore une fois jouée d'avance. 

C'est bien la seule bonne nouvelle de ce printemps pré-électoral pour le parti d'opposition Démocratie Québec, à nouveau empêtré dans les querelles intestines et une crise de leadership.



Notre premier réflexe est de croire qu'un éparpillement des forces d'opposition favorise l'administration en place. Les exemples sont nombreux. Pensez au gouvernement provincial actuel. 

Mais la mécanique du vote n'est pas toujours aussi simple. 

En 2009 et 2013, les maires du Québec qui n'avaient qu'un opposant ont eu un taux de réélection de 18% supérieur à ceux qui en avaient deux ou davantage, montre une récente étude (1).

L'éparpillement des forces d'opposition ne favorise donc pas toujours la réélection des maires sortants. 



La même étude suggère que le niveau de taxation d'une ville est un facteur de réélection plus important que la division (ou pas) des forces d'opposition.

À la veille des élections de 2013, quatre partis politiques de Québec (Démocratie Québec, Québec Autrement, Parti Vert, Alternative Québec) et des indépendants se sont regroupés sous le chapeau de Démocratie Québec. 

Leur argument tenait de la mathématique : ne pas diviser les votes d'opposition.

Les fréquentations ne furent pas faciles, le mariage fut par moment houleux et ça commence aujourd'hui à sentir le divorce.

Il est vrai que ça n'a pas empêché le maire d'être réélu de façon confortable, mais le pari en valait la peine. 

Le regroupement était d'autant plus logique que les forces d'opposition jouaient toutes dans les mêmes eaux de «gauche» : plus de consultation, développement durable, pouvoir décentralisé, etc.



Le scénario de 2017 s'annonce différent. 

Cette fois, l'éparpillement des forces ne nuira pas à l'opposition mais au maire sortant. 

Avec un programme économique de droite, pro auto, pro 3e lien, anti SRB et un appui senti de radios privées, les nouveaux partis vont arracher des votes qui allaient à M. Labeaume.

Les électeurs de la «droite-auto» qui se sentent aujourd'hui malheureux du maire ne seraient jamais allés à Démocratie Québec, un parti favorable au transport en commun et au développement durable.

Ces électeurs auront désormais un «véhicule» politique sur mesure pour s'exprimer.

Je ne partage pas cette vision de la ville mais je crois que la démocratie gagne à une confrontation d'idées qui force à réfléchir et à affûter les argumentaires.

Reste à voir si M. Labeaume cherchera à se rapprocher de cette «droite-auto» pour éviter de perdre des appuis. Ou s'il gardera le cap sur son projet de ville animée et densifiée, avec des rues conviviales, un transport en commun structurant et un souci du développement durable. 

Je suis allé prendre un café avec Jean-François Gosselin, candidat à la mairie pour le nouveau parti Québec 21. Je reviendrai sur son style et son programme municipal, mais j'ai d'abord voulu saisir sa trajectoire.



Député de l'ADQ de Mario Dumont en 2007, il fut candidat Libéral en 2012 (battu) et a longtemps soutenu M. Labeaume. Il a contribué l'an dernier encore à sa caisse électorale.

Je n'ai pas réussi à comprendre à quel moment il a décroché du maire. Ce n'est quand même pas d'hier que celui-ci parle de SRB et de rues conviviales, voyage, soutient les grands événements, étire les missions traditionnelles de la ville et manque de respect à ses adversaires. Mais M. Gosselin habite rue de la Migration. Ça ne s'invente pas. 

M. Gosselin se défend d'entrer en scène sous l'influence de radios privées qui ont fait campagne ce printemps pour bloquer le projet SRB, pousser un 3e lien et battre le maire Labeaume. 

J'ai un peu de mal à croire à une si grosse coïncidence, mais ça n'enlève rien à la pertinence que ces enjeux soient débattus en campagne électorale. 

(1) Jérôme Couture et Sandra Breux, «Accountability and Responsiveness at the Municipal Level», (à paraître), McGill-Queen's University Press.