Le rapport mentionne des patients lavés dans leur lit pendant des années, plutôt qu'immergés dans un bain, des sonnettes actionnées par les patients retentissant pendant plus de 25 minutes (4,3 % des sonneries dépassent 15 minutes et 1,3 % dépassent 25 minutes!), une offre «adéquate» de soins infirmiers, mais caractérisée par sa fragilité «avec une marge de manoeuvre quasi inexistante en cas de surcharge de travail» dans les résidences offrant des soins de longue durée.
Le rapport évoque un manque de formation du personnel et d'organisation des services pour les patients souffrant de problèmes cognitifs, le réveil de bénéficiaires à 5h30 pour que l'infirmière les voie tous, probablement à toute vapeur, pendant son quart de travail. Elles étaient deux avant.
À l'urgence, le rapport révèle le long délai d'évaluation des patients au triage, l'absence de surveillance en salle d'attente, le délai pour la réévaluation de l'état des patients et la durée exagérée du séjour sur civière, le lent départ du patient pour l'unité de soins, une formation continue insuffisante et des lacunes de connaissances du personnel infirmier en soins palliatifs.
L'enquête précise que les patients ne sont pas en danger, mais que «les infirmières et infirmières auxiliaires parviennent, avec difficulté, à rencontrer leurs obligations déontologiques».
Le rapport parle de Gaspésie, mais d'autres établissements de santé et de services sociaux du Québec vivent assurément des conditions similaires, où des patients et du personnel sont poussés à bout.
On y souligne le dévouement de ce personnel. Pourtant, le manque de considération des dirigeants du système de santé à l'endroit des infirmières, des préposés et de plusieurs médecins a pour conséquence d'en démobiliser une part considérable. Comment voir sans inquiétude des infirmières dans la quarantaine, au sommet de leur compétence, discuter de préretraite dans l'année à venir, 10 ans trop tôt, parce qu'elles n'en peuvent plus de courir et qu'elles craignent des erreurs?
Cette déshumanisation découle de structures administratives plus déconnectées du public qu'avant. N'est-ce pas ce qui arrive quand les dirigeants sont nommés par le ministre, susceptible de choisir des gens soumis, au détriment de citoyens neutres? La direction du CISSS de la Gaspésie était avertie depuis sa création, en avril 2015, des lacunes sur lesquelles le Protecteur du citoyen a enquêté. Elle n'a réagi qu'une fois l'enquête débutée.
Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, gagnera toujours l'essentiel des débats portant sur les hôpitaux, les CLSC et le jargon bureaucratique rébarbatif pour 95 % de la population.
Toutefois, sa réforme, si elle déshumanise encore plus, mènera à un échec. Pour fonctionner, toute grande réforme nécessite le concours de l'appareil bureaucratique et du personnel soignant. Il faut entraîner l'équipe dans son sillage, en gestion des organisations. La réforme actuelle marche aux menaces et aux coups de poing sur la table.
C'est sans compter l'affligeante ingratitude que cette réforme fait subir aux personnes âgées, les gens qui ont payé pour que l'infrastructure québécoise de santé se modernise il y a 40, 50 ou 60 ans. Perdre du personnel à son apogée après l'avoir poussé à bout ne génère aucune économie et n'améliore pas les soins. Quand l'état des patients s'aggrave parce que le système ne suffit pas, les coûts montent. Il serait étonnant que la réforme Barrette soit fructueuse.