Sa réflexion débute en septembre par un projet de médiation culturelle de Spira avec le Carrefour des enfants de Saint-Malo. Il doit réaliser une vidéo d'animation avec un décor qui représente Saint-Sauveur.
«La première chose que j'ai dessinée était le Centre Durocher, parce que je considérais que c'était le coeur architectural du quartier, la façade qui sortait du lot. J'avais peut-être vaguement entendu parler qu'on voulait le démolir, mais pour moi, c'était loin d'être fait», raconte l'artiste. Pas de mention de la disparition prochaine de l'édifice - plutôt abstrait de toute manière chez les enfants - dans le vidéo alors réalisé.
Alors qu'habituellement, Samuel Breton se filme lui-même, en interaction avec les dessins de son carnet de croquis, il met cette fois en scène les enfants, qui plongent, volent, dansent, jouent et grimpent autour du Centre Durocher schématisé, décoré de guirlandes ou enveloppé de nuages comme un château joyeux.
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En novembre, Breton, qui a obtenu le prix Coup de coeur du public du dernier Symposium de Baie-Saint-Paul pour son projet autour de la botte Sorel et du film Nanook of the North, se prépare pour la Foire en art actuel, mais continue à faire des recherches sur le quartier Saint-Sauveur. L'exposition qu'il présente chez Engramme depuis le 13 janvier devait porter sur un tout autre sujet, mais la démolition du Centre Durocher crée un momentum, un contexte inattendu pour transformer la réflexion historique et identitaire en hommage poétique.
Il se lance donc et comme il sait si bien le faire, se met à jongler avec les symboles et les référents. «J'ai lu Les Plouffe et Au pied de la Pente-Douce de Roger Lemelin et même si le Centre n'existait pas au moment où il a écrit les livres, il décrit si bien le rapport que les gens ont au quartier que ça m'a permis de faire des liens», explique Breton.
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Objets identitaires
Dans ses dessins, les lutteurs, les quilles et des visages connus qui ont grandi dans le quartier, comme Alys Robi et le ténor Raoul Jobin, se mettent à tournoyer. Le fait que le Centre ait été fondé par les Pères Oblats et que la rue Sainte-Thérèse (aujourd'hui Raoul-Jobin), qui borde l'édifice, ait été pendant des années «la» rue du Carnaval lui donne encore plus d'objets identitaires avec lesquels jouer.
Il amorce une deuxième vidéo d'animation autour de la ceinture fléchée, qui se transformera en trompette, en fanion ou en Sacré-Coeur au fil de manipulations sur l'écran. «J'ai beaucoup aimé la formule du Symposium [de Baie-Saint-Paul] et j'aimerais continuer de le faire évoluer, tout en accueillant les visiteurs pendant l'exposition», souligne l'artiste.
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Les murs de l'espace d'exposition d'Engramme accueillent plusieurs objets qui ont alimenté sa réflexion ludique. Car si Breton s'inspire d'éléments historiques, c'est pour mieux les propulser dans une autre dimension, où l'imagination et les dérives sont reines. L'artiste comble ce qu'il appelle son «déficit identitaire québécois» en se réappropriant des symboles usés ou oubliés.
Il expose aussi une série d'images rondes montrant le Centre Durocher (une image inventée qui est la fusion d'une carte postale et d'une image d'archives). La forme rappelle à la fois l'oeil humain, la lentille et la boule de quilles, dont les motifs évoquent la danse des encres sur le papier. Ceux qui passent sur la côte de la Montagne pendant la durée de l'exposition pourront voir le Centre Durocher flotter dans une lune bleue et mouvante, dans une des vitres du centre d'artiste.
L'exposition Saint-Centre, Sauveur Durocher est présentée jusqu'au 12 février chez Engramme, au 510, côte d'Abraham, à Québec. Info : engramme.ca
Valérie Potvin à la Galerie 3: le corps en friche
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Sur une plate-forme immaculée, des jambes, des visages, des sphères et des mains de plâtre ont été assemblés pour former des créatures étranges qui nous amènent à réfléchir aux questions de genres, aux relations de pouvoir et aux sources de nos propres interprétations.
Nous sommes devant l'installation Monstres, de Valérie Potvin, qui présente le résultat de sa maîtrise interdisciplinaire en arts à l'Université Laval jusqu'au 22 janvier à la Galerie 3.
L'artiste a réfléchi autour de trois notions : l'écologie, la mobilité et l'éthique. Elle s'est exilée à Berlin pour s'insérer dans des milieux communautaires, artistiques et activistes, s'est inspirée du travail de Thomas Hirschhorn, un Berlinois qui élève des monuments à des philosophes et exploite l'idée du combat à travers l'art et du rôle transformateur de l'artiste. Des idées qui animent aussi Valérie Potvin, qui avait envie d'une pratique totale.
L'artiste est revenue au Québec un peu étourdie, mais forte d'une nouvelle audace et de nouvelles idées pour nourrir la construction de ses installations sculpturales à l'esthétique plutôt symbolique, qui peuvent prendre autant de significations qu'il y a de regardeurs.
Devant, L'araignée, un visage immense en guise de carapace ronde et quatre jambes ouvertes qui lui donnent l'allure d'une accouchée, laisse s'échapper trois oeufs noirs et creux, qui contiennent des parties de corps.
«Je n'ai pas toujours travaillé le corps, mais lorsque je l'ai fait, je l'ai toujours représenté habillé, avec des proportions justes, intégrales, assez fidèles. Je voulais m'éloigner de cette transcription-là en travaillant avec des fragments et en les réassemblant. Ça permet d'ouvrir à du nouveau sens, de créer un nouveau réalisme», indique l'artiste.
Derrière, appuyé dans un coin, Lui, un long visage aux traits cassants surplombant deux jambes graciles, presque féminines. «Je trouvais que ça lui donnait une fragilité, mais aussi une étrangeté, une ambiguïté, un côté inquiétant», souligne l'artiste.
D'autres boules, blanches cette fois, arborent des visages et un trou en guise de bouche. Dans l'une d'elles, Potvin a glissé un doigt de plâtre, qui sort comme une langue. Tout près se trouvent les Phénix, une série de petites sculptures phalliques où l'artiste a collé des oreilles et autres parties du visage - un assemblage subversif et comique à la fois.
Ce monument déconstruit, qui devait à l'origine être vertical, ressemble, à l'horizontale, au festin de quelque géant monstrueux, est à la fois grotesque et glauque, attirant et abject.
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Rapports de pouvoir
Devant L'étreinte, elle explique : «J'aime qu'il y ait des tensions entre différents sentiments à l'intérieur de la même pièce. Ici, c'est un enlacement, c'est doux, mais il y a aussi une perte d'équilibre, comme une violence latente.» Au bout de l'estrade, un visage est posé sur des mains entremêlées. «On peut lui faire dire oui ou non, selon comment on place le visage», note Potvin, qui a nommé la pièce Le consentement.
«Je voulais parler des rapports de pouvoir dans les relations humaines, mais comme les corps sont démembrés, on dirait que ça me ramène toujours à quelque chose de sexuel. Je crois que dans mes travaux antérieurs, j'essayais souvent d'annuler ça, parce que j'étais inconfortable, mais là j'ai décidé de travailler cet élément et de le pousser plus loin», indique-t-elle.