Briser la solitude des entrepreneurs

La Chambre de commerce et d'industrie de Québec a mis au monde, en 2015, l'Institut du mentorat entrepreneurial de Québec en collaboration avec la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Qu'ont en commun Johanne Devin, Christian Goudreau et Vincent Thériault?


<strong></strong>Johanne Devin  NovAxis Solutions
<strong></strong>Vincent Thériault Surmesur
<strong></strong>Christian Goudreau Arcbees

Ils sont des entrepreneurs.

Ils sont à la tête, respectivement, de NovAxis Solutions, d'Arcbees et de Surmesur.

Ils ont les deux pieds sur l'accélérateur et de la broue dans le toupet, car leurs entreprises sont en forte expansion.

«De quatre employés, nous sommes rapidement passés à une vingtaine», souligne Johanne Devin. Sa compagnie est spécialisée dans le développement d'applications Web, notamment pour les travailleurs autonomes et les petites entreprises.

Avec de nouvelles boutiques - dans lesquelles les hommes peuvent créer leurs vêtements - qui ouvrent leurs portes les unes après les autres au Québec, en Ontario et aux États-Unis, Surmesur compte maintenant sur près de 80 employés.

Une formation de programmeur en poche, Christian Goudreau n'a pas eu le choix de bâtir une équipe de gestionnaires pour faire rouler Arcbees qui réalise une percée dans le marché des aéroports avec ses logiciels et autres solutions Web et mobiles permettant d'exploiter la kyrielle de données recueillies par les systèmes de technologie d'information internes.

Piloter une entreprise en pleine croissance, ça ne s'apprend pas sur les bancs d'école.

C'est aussi la source de nuits blanches à répétition.

«Tu te retrouves soudainement dans un environnement totalement inconnu. Tu as plein de choses à régler. Et tu te dis : par quel bout je prends tout ça? Tu ne sais pas à qui aller te confier», raconte Johanne Devin.

Ça s'appelle la solitude de l'entrepreneur. 

Plusieurs dirigeants d'entreprise bénéficient des bons conseils d'un mentor, d'un coach ou encore d'une armée de consultants.

«Ce que tu veux, c'est de rencontrer des entrepreneurs qui sont dans le même bateau que toi», précise Mme Devin.

Et, généralement, ce n'est pas dans les cocktails que ces rapprochements se font.

Croissance et internationalisation 

C'est pourquoi la Chambre de commerce et d'industrie de Québec a mis au monde, en 2015, l'Institut du mentorat entrepreneurial de Québec en collaboration avec la Caisse de dépôt et placement du Québec.

L'IME Québec est issu d'un partenariat intervenu avec l'Association française des Instituts de mentorat entrepreneurial.

Le premier IME a été créé en 2007 par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. L'initiative a fait des petits à Bordeaux, à Rennes, dans la région Nantes Saint-Nazaire et en Belgique. Aujourd'hui, l'Association française des Instituts de mentorat entrepreneurial rassemble plusieurs centaines d'entrepreneurs sur le Vieux Continent. 

Avec cinq autres entrepreneurs, Johanne Devin, Christian Goudreau et Vincent Thériault font partie de la première cohorte du programme IME Québec. Ils ont payé 10 000 $ pour en faire partie.

Pendant 15 mois, ces gens d'affaires triés sur le volet qui tiennent les guides d'une compagnie engagée dans un important processus de croissance et d'internationalisation de leurs affaires ont pu se côtoyer sur une base régulière pour partager leurs préoccupations et leurs craintes et pour valider les gestes qu'ils doivent poser pour continuer de faire avancer leur entreprise.

«Du jour au lendemain, tu es en contact avec sept entrepreneurs qui t'apportent sept points de vue différents», signale Vincent Thériault. «Puisque nous ne sommes pas des concurrents directs, nous nous faisons entièrement confiance.»

Trop souvent en plan

«De l'accompagnement pour les jeunes pousses, notamment dans le domaine des nouvelles technologies, il n'en manque pas au Québec. Toutefois, les entrepreneurs qui sont rendus à une étape de développement accéléré de leur business sont trop souvent laissés en plan», indique Alain Aubut, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec.

«Il y a très peu de choses qui se font pour les épauler dans leur quotidien, pour les aider à prendre du recul et leur permettre d'établir des relations avec des hommes et des femmes qui vivent la même chose qu'eux.»

Le programme d'accompagnement d'IME Québec comprend, entre autres, des ateliers et des conférences de haut calibre au cours desquels les participants de la première cohorte ont pu échanger avec des entrepreneurs à succès du calibre de Louis Têtu (Coveo), de Marc Dutil (Groupe Canam), de Louis Roy (Groupe Optel), de Jean Bélanger (Premier Tech), de Marc Boutet (De Marque) et du Dragon Serge Beauchemin.

Ils participent aussi à des formations intensives à l'École d'entrepreneurship de Beauce et reçoivent les judicieux conseils des experts de Québec International et du Collège des administrateurs de sociétés en ce qui a trait à la conquête des marchés internationaux et à la gouvernance de leur organisation.

Pour Christian Goudreau, la participation à IME Québec a une valeur inestimable.

«Moi, je pars de loin. J'ai une formation en programmation. J'ai besoin de tous les outils pour m'aider à devenir un meilleur pdg d'une firme en pleine ascension.»

Pour sa part, Johanne Devin affirme avoir fait le plein de confiance en elle et en ses moyens.

Son entreprise vient tout juste de réaliser une acquisition.

«Une transaction qui n'aurait pu jamais se réaliser si je n'avais pas reçu cette grosse dose de confiance et que j'étais restée assise, seule, dans mon bureau.»

La cerise sur le gâteau, une mission en Europe

La cerise sur le gâteau pour les entrepreneurs membres de la première cohorte de l'Institut du mentorat entrepreneurial de Québec a été la participation à une mission d'affaires en France et en Belgique du 19 au 26 novembre.

L'une des visées de l'IME de Québec est de permettre aux entrepreneurs d'avoir accès à des réseaux d'affaires difficilement accessibles pour le chef d'entreprise québécois moyen. Ici au Québec, mais aussi en Europe.

«Je ne me souviens pas d'avoir distribué autant de cartes professionnelles en si peu de temps!» confie Vincent Thériault, cofondateur avec son frère François de Surmesur.

Pour lui, il s'agissait d'une deuxième mission exploratoire de l'autre côté de l'Atlantique. Pour Surmesur, l'expansion passe évidemment par le Canada et les États-Unis, mais aussi par la France et la Chine.

En France et en Belgique, les huit entrepreneurs n'ont pas chômé. Ils ont décroché plus d'une cinquantaine de rendez-vous auprès de clients potentiels ou d'éventuels partenaires d'affaires.

Christian Goudreau, pour sa part, a rencontré les autorités de six aéroports européens en quatre jours pour dévoiler les secrets de la technologie d'Arcbees qui est utilisée actuellement à l'Aéroport international Jean-Lesage de Québec.

«Il y a de l'intérêt pour ce que nous faisons, c'est évident. Les organisations sont vivement intéressées par notre système d'échange de données. Dans les deux ou trois prochaines années, elles devront investir pour s'équiper de nouveaux équipements. Elles savent maintenant que nous existons.»

Pour Johanne Devin, la mission visait à entretenir des liens et à en développer des nouveaux.

NovAxis Solutions, qui vend en ligne à travers le monde, compte 80 % de sa clientèle en Europe.

Une véritable communauté

Alors que les activités d'une deuxième cohorte d'entrepreneurs (voir la liste ci-dessous) viennent de débuter, Alain Aubut veut créer dans la capitale une véritable communauté d'entrepreneurs.

«Je souhaite que les entrepreneurs de la première cohorte continuent, ensemble, de partager leur expérience et qu'ils le fassent, ensuite, avec ceux de la deuxième cohorte et que ces derniers le fassent, à leur tour, avec ceux et celles qui suivront et ainsi de suite», expose le président et chef de la direction de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec, qui a pu constater la force et l'influence des réseaux qui ont vu le jour en France depuis le lancement des Instituts du mentorat entrepreneurial.

«Ils sont des centaines à se réunir, à échanger et à évoquer des partenariats d'affaires. C'est assez phénoménal.»

«Actuellement, nous sommes huit finissants», souligne Vincent Thériault. «Nous serons une quinzaine l'an prochain. Et une centaine dans quelques années à avoir traversé le même parcours.»

Première cohorte

• Johanne Devin (NovAxis Solutions)

• Xavier P. Godemaire (Laserax)

• Christian Goudreau (Arcbees)

• Maggy-Nadyne Lamarche (Béké-Bobo)

• François-Thomas Michaud (Feldan)

• Patrick Poirier (Bookenda International)

• Jean-François St-Pierre (Kronos Technologies)

• Vincent Thériault (Surmesur)

Deuxième cohorte

• Benoît Bédard (Amotus)

• Éric Dusablon (Amotus)

• Bastien Larouche (Ro-Bois-Tic)

• Annie Lévesque (Ni Vu Ni Cornu)

• Stéphane Ratté (Inscript et Groupe Limousine A1)

• Nancy Florence Savard (Productions 10e Avenue)

• Dany Simard (La Revanche)

• Jean-Philippe Villemaire (32 Mars)