C'est le concierge.
Tous les matins, il accueille chacun des élèves par un beau bonjour, une «tape dans la mite», Monsieur Marc est content, et les élèves aussi. Le jour de la rentrée scolaire, lorsque la directrice de l'école a présenté aux parents le personnel, Monsieur Marc a été accueilli par un tonnerre d'applaudissements.
Comme une rock star.
Parce que Monsieur Marc ne fait pas seulement passer la vadrouille et compter les minutes avant la fin de sa journée, il aime son boulot. «Je ne travaille pas ici, je m'amuse. L'été, je travaille... et j'ai hâte que l'école recommence! Ça ne m'est pas arrivé encore de me lever un matin et de ne pas avoir le goût de rentrer travailler...»
Il fait le ménage de l'école de l'école Saint-Fidèle depuis six ans déjà.
Il arrive à 6h, il a sa petite routine, le local de Madame Loulou, puis le corridor du premier étage et l'escalier principal. Après avoir vadrouillé le corridor du deuxième étage, il va chercher son café qu'il boit avec Madame Lisette. «Comme ça, je peux parler aux enfants qui sont au service de garde le matin.»
Quand il entend sonner la cloche, il va accueillir les autres.
Monsieur Marc a 61 ans, il n'a pas toujours été concierge. En fait, rien ne le prédestinait à faire ce métier-là un jour dans sa vie. Il a commencé à travailler à 18 ans comme fonctionnaire au ministère des Transports, à faire de l'arpentage. Il faisait surtout du travail de bureau.
Il a ensuite été embauché par une grosse compagnie de construction, il a gravi les échelons et s'est retrouvé à gérer des chantiers, des commandes. Des millions. «J'étais là à la Baie-James, un contrat de cent quelques millions. J'étais chargé des données, de l'équipement. On faisait des digues.»
Il a travaillé pour la même compagnie pendant 26 ans, à brasser des chiffres. «C'est la compagnie qui m'a formé. Je m'occupais des payes, de la facturation, des commandes. J'étais gérant de projet, j'avais des comptes à rendre.»
Les comptes balançaient.
Mais c'est Monsieur Marc, un moment donné, qui ne balançait plus. «Je fais trop d'heures, je n'avais pas de vie. Ma femme travaillait aussi, on ne se voyait plus.»
En 2000, il a tiré sa révérence. «Ça faisait 30 ans que je travaillais dans les chiffres, dans les millions. Je ne voulais plus faire ça, mais je ne savais pas trop quoi faire... Je me suis demandé : "Est-ce que je pourrais être manuel?"»Petit détail, Monsieur Marc «ne savait pas cogner un clou».
Comme pour la calculatrice, il a appris à manier le marteau sur le tas.
Il a passé quelques années à aller d'une compagnie à l'autre, il a travaillé pour une entreprise qui fabrique des bains, une autre qui avait des contrats un peu partout à Québec, même en Floride.
En 2009, dans la foulée de la crise financière, il s'est retrouvé au chômage. «J'avais 54 ans. J'ai pris six mois pour réfléchir à ce que je voulais vraiment faire.» Il avait déjà eu une compagnie de ménage dans le temps, il s'est dit qu'il pourrait retourner à ses anciennes amours.
Mais pas question, cette fois, d'avoir une compagnie.
Il a fait son CV, en a imprimé des copies, les a distribués à droite et à gauche. Le téléphone n'a pas mis longtemps à sonner et, le 1er octobre 2010, il mettait les pieds à l'école Saint-Fidèle. «Ça a été comme un coup de foudre! Je me suis senti bien tout de suite. Un matin, j'ai eu l'idée d'aller accueillir les élèves...»
Il le fait tous les jours depuis.
Il est là à la fin de la journée aussi, vu que sa journée de travail est coupée en deux, qu'il part vers 9h pour revenir en après-midi. Il est toujours là quand je viens chercher mes deux garçons, qu'il connaît par leur nom. «C'est arrivé des fois qu'un parent vienne chercher son enfant, et que je l'aie vu partir, avec sa grand-mère, par exemple.»
Il lui arrive aussi de consoler un enfant.
Et de taquiner les tannants.
Monsieur Marc ne pense pas à la retraite, il veut vadrouiller tant que son corps le lui permettra. «J'aime trop ça! L'ambiance est tellement chaleureuse. J'ai beaucoup d'admiration pour les enseignants, les éducateurs, la direction et tout le monde qui font des efforts pour éduquer les enfants.»
Ses yeux brillent quand il parle.
Autant que les planchers de l'école.