Entre autres, 60 $ retirés au guichet automatique.
J'ai réalisé quelques minutes plus tard quand j'ai ouvert mon porte-monnaie en arrivant à la maison, j'ai couru au dépanneur où il y a le guichet. Les 60 $ n'y étaient plus. Évidemment. Tant qu'à être là, je suis allée voir le commis et lui ai laissé mes coordonnées au cas où. Je suis une indécrottable optimiste.
De retour chez moi, le téléphone a sonné:
«Madame Moisan?
- Oui.
- Votre argent est revenu.»
Je suis passée récupérer l'argent le lendemain. Le type avait laissé ses coordonnées, il habite à quelques rues, le commis l'a appelé.
«Attendez, il s'en vient.»
Un grand monsieur est arrivé, tout sourire, presque aussi grand que le mien. Il aurait pu garder l'argent, il aurait facilement trouvé comment le dépenser. Mais il s'est mis à ma place.
Si ça lui était arrivé, il aurait bien aimé retrouver son argent.
On a jasé un peu, je lui ai dit merci, lui ai donné 20 $ et fait une grosse accolade.
Et là, vous dites, c'est bien, il reste encore du bon monde. Et moi je vous dis qu'il en reste plein, qu'il y en a toujours eu. Le bon monde, contrairement aux tortues luths, n'est pas en voie d'extinction.
Et c'est une catastrophe pour les 100 000 tortues luths qui restent et qui se nourrissent presque exclusivement de méduses. On en aurait bien besoin par les temps qui courent vu que le nombre de méduses explose dans les océans. Le nombre de sacs de plastique aussi, c'est d'ailleurs ce qui tue les tortues.
Elles prennent les sacs pour des méduses.
Où en étais-je? Ah oui, le bon monde. Il y en a plus qu'on pense. Demandez autour de vous, des histoires comme mon bonhomme du guichet, il y en a tout plein. Des gens qui sont gentils juste pour être gentils. Des gens qui donnent ce qu'ils n'ont pas à d'autres qui en ont moins encore.
J'en vois souvent, quand j'écris sur du monde dans le trouble et que je reçois plein de messages de personnes qui m'écrivent pour aider.
Ça commence souvent par «je ne suis pas très riche, mais je veux donner un coup de main».
Ou simplement: «Comment je peux aider?»
Des fois, les gens donnent de l'argent, d'autres fois du temps, ça revient au même, vu que le temps, c'est de l'argent. Les gens donnent, s'entraident. Il y en a même qui me réécrivent pour me dire que ça leur a fait du bien de donner.
Le bon monde attire le bon monde.
Mais, c'est un peu ma faute et celle des médias, on a l'impression que le bon Samaritain n'est plus qu'une parabole de la Bible. Il est passé à la moulinette de la nostalgie, comme si l'altruisme n'avait pas survécu aux vinyles de Plastic Bertrand. Comme si on allait bientôt l'enseigner dans les cours d'histoire.
Ça me fait penser à une blague, entendue récemment. Ce sont deux gars qui se croisent, ils ne se sont pas vus depuis longtemps.
«Vas-tu encore aux réunions des Nostalgiques Anonymes?
- Oui. Mais tu sais, ce n'est plus comme avant.»