Radicalisation: réactions prudentes à l'Université Laval

L'Université Laval

Les propos du journaliste Fabrice de Pierrebourg voulant qu'il y ait «un petit foyer de radicalisation» à l'Université Laval, à Québec, ont été accueillis avec prudence sur le campus, lundi, notamment à la mosquée de l'université.


M. de Pierrebourg y est allé de cette affirmation sur le plateau de Tout le monde en parle, lors de l'épisode diffusé dimanche à Radio-Canada. L'auteur et journaliste était invité pour commenter les attentats terroristes de Bruxelles à titre de spécialiste des questions de sécurité nationale.

Durant l'entrevue, il a notamment été interrogé sur des déclarations de Régis Labeaume, au lendemain des attaques qui ont fait au moins 35 morts dans la capitale de la Belgique. «On pourrait se poser des questions sur les mosquées où il pourrait se passer de la radicalisation. Je pense qu'il est temps de regarder ça très sérieusement. Sous le parapluie du lieu de culte, il se passe bien des affaires», avait dit le maire, qui avait ajouté que ce genre d'activités se dérouleraient «plus à Montréal». 

Fabrice de Pierrebourg, coauteur de Djihad.ca, n'est pas du même avis. «Ce n'est pas qu'à Mont­réal, ce n'est plus un phénomène qu'urbain [...] Il y en a en région, il y en a à Québec. Le maire Labeaume pourrait regarder aussi ce qui se passe dans sa ville. Il y en a. À l'Université Laval, il y a, on sait, un petit foyer de radicalisation», a-t-il lancé, sans donner plus de détails.

Le Soleil s'est rendu lundi au local de culte sous la gouverne de l'Association des étudiant(e)s musulman(e)s de l'Université Laval (AEMUL), afin d'y obtenir des réactions. Un membre de l'exécutif, Mounir Mechqrane, a accepté de parler publiquement.

L'étudiant, arrivé à l'Université Laval il y a moins d'un an, n'était pas au courant des propos tenus par M. de Pierrebourg. «L'AEMUL, son rôle est d'assurer cette atmosphère de prière et de recueillement. [...] Personnellement, je n'ai pas vu ça [de la radicalisation] après une année ici», a-t-il brièvement commenté.

L'Université Laval s'est quant à elle limitée à un communiqué laconique. «L'Université Laval a à coeur le respect, la diversité culturelle et religieuse des membres de sa communauté, le tout dans la dignité, le respect des personnes et des lois québécoises et canadiennes», a indiqué une porte-parole, refusant de répondre à toute question.

<p>Qualifié d'«agent de radicalisation» par le maire Denis Coderre, l'imam Hamza Chaoui a dirigé des prières quand il fréquentait l'Université Laval. </p>

Qualifié d'«agent de radicalisation» par le maire Denis Coderre, l'imam Hamza Chaoui a dirigé des prières quand il fréquentait l'Université Laval. 

(Photothèque Le Soleil/Photothèque Le Soleil)

Un imam «agent de radicalisation»

La mosquée de l'Université Laval s'était retrouvée sous les projecteurs l'hiver dernier lorsque le maire de Montréal, Denis Coderre, avait qualifié d'«agent de radicalisation» un imam ayant fréquenté l'établissement d'enseignement de Québec.

Hamza Chaoui, qui voulait créer un centre communautaire islamique pour les jeunes Montréalais, a été membre de l'AEMUL lorsqu'il était étudiant en génie électrique et a dirigé des prières de son temps à l'Université Laval. Dans une vidéo datée de 2013, il se décrivait comme imam et prêcheur de la mosquée de l'Université Laval. Il a déjà déclaré sur Internet que l'islam était «complètement» incompatible avec la démocratie puisqu'un athée ou un homosexuel pouvait être élu député.

Appelé à réagir à ce moment, le président de l'AEMUL - toujours en poste mais à l'extérieur du pays actuellement pour son doctorat - s'était dissocié des propos de M. Chaoui en plaidant qu'ils avaient été tenus à l'extérieur des murs de l'université et de son association.

Certaines choses ont changé, avait ajouté Sabiou Mamadou. «On veut qu'il y ait une alternance [entre les imams] pour éviter qu'il y ait un mentor. Notre association doit représenter plus d'un courant de pensée», avait-il évoqué.

L'Université Laval avait aussi pris des mesures. Un porte-parole avait expliqué au Journal de Québec, toujours en marge de l'affaire Chaoui, que l'institution se réservait «désormais le droit d'exiger de l'AEMUL que celle-ci obtienne l'autorisation de l'institution avant la venue d'un conférencier ou leader spirituel».

Le cabinet du maire de Québec, Régis Labeaume, n'a émis aucun commentaire sur les propos de Fabrice de Pierrebourg, lundi. Le journaliste a lui aussi décliné la demande d'entretien du Soleil.