Raymond Gariépy avait prévu passer la dernière quinzaine de décembre chez la famille à Ottawa et à Toronto après avoir reçu un coup de fil d'une nièce. «Ça te tente de venir avec nous?» Une invitation alléchante pour l'homme de 52 ans qui voit ses proches trop peu souvent. Mais son séjour en Ontario est maintenant annulé.
M. Gariépy a communiqué en début de semaine avec un agent du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) pour demander la possibilité d'obtenir une «dérogation». Il s'est fait répondre que sa prestation serait interrompue s'il quittait la province plus de sept jours consécutifs. Point à la ligne. Il avoue avoir «pété sa coche» au téléphone.
Surtout que c'est la seconde fois en quelques mois seulement qu'on lui interdit de profiter de la vie, pour ce qu'elle peut encore apporter. À l'automne, il devait faire un voyage d'une dizaine de jours avec un de ses frères. «Impossible», avait tranché le MESS.
Contrainte à l'emploi
L'homme de 52 ans a une contrainte sévère à l'emploi depuis de nombreuses années en raison de problèmes de santé qui remontent à l'adolescence. Les autres membres de la famille sont à la retraite, mais ont toujours travaillé. Il est issu de la classe moyenne.
«Je n'ai pas choisi d'être prestataire», lance l'homme, très bon communicateur. «Je comprends qu'il y a des abus. Mais là, j'ai moins de liberté qu'un prisonnier parce que j'ai des problèmes de santé depuis l'adolescence. On devient l'ennemi de l'État, c'est malsain», soutient-il.
Les mesures en cause ont été annoncées en janvier par l'ex-titulaire du MESS, François Blais. Elles ont été appliquées au printemps par l'actuel ministre, Sam Hamad. Un prestataire de l'assistance sociale ne peut quitter la province plus de 7 jours consécutifs ni plus que 15 jours au cours d'un même mois.
La seule façon pour M. Gariépy de pouvoir être à l'extérieur du Québec plus de sept jours consécutifs serait de partir le 25 décembre et revenir le 7 janvier, puisque son séjour est échelonné sur deux mois. Seul inconvénient... il manquerait le réveillon.
Serge Peticlerc est porte-parole et analyste politique du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Il est bien au fait des nouvelles mesures, dénoncées au cours de l'été par plusieurs groupes de défense des assistés sociaux. Ils soutenaient que plusieurs prestataires s'empêchaient de visiter des proches et de participer à des activités familiales. Un argument qui prend tout son sens pendant la période des Fêtes.
«Période d'austérité»
«On est en période d'austérité. Tous les ministères sont mis à contribution, lance M. Peticlerc. Dans ce contexte, ils appliquent la réglementation de façon stricte. La souplesse n'est plus là. C'est comme si on veut absolument aller chercher des sous au détriment d'une certaine humanité», déplore-t-il.
Le porte-parole croit que M. Gariépy peut faire appel à «l'humanité» du Ministère, même s'il a déjà essuyé un refus. Dans de telles circonstances, il suggère de prendre contact avec un organisme de défense comme l'Association pour la défense des droits sociaux Québec-Métropolitain. «Il me semble qu'il pourrait faire une demande d'exception», conclut-il.