Destruction de Dialogue avec l'histoire: un artiste exprime sa honte

Un mystérieux personnage se tenait place de Paris, mardi, arborant béret et apparence de mime, devant une réplique en carton de l'oeuvre Dialogue avec l'histoire, détruite le 17 juin dernier.


L'artiste Philip Després manifestait à sa façon bien particulière sa «honte d'être Québécois aujourd'hui», à la suite de la disparition de l'oeuvre du Français Jean-Pierre Raynaud, qui avait été offerte en cadeau à la Ville de Québec par Paris il y a 28 ans.

Philip Després a repris une citation de M. Raynaud, qu'il a répétée en boucle : «Les oeuvres ne sont pas faites pour être aimées, mais pour exister.» 

L'étudiant en arts visuels, qui avait manifesté une première fois le jour de la démolition de l'oeuvre, souhaite par son geste participer à la réflexion sur l'importance de l'art et de l'artiste dans notre société.

«Si l'artiste n'a plus de voix, il devient un pauvre clown triste», a déclamé Philip Després, vêtu de tissu blanc quadrillé rappelant les cubes qui composaient Dialogue avec l'histoire.

L'artiste a également interpellé le maire de Québec, Régis Labeaume, qu'il considère comme responsable de la démolition du fameux «cube blanc» : «Labeaume, tu es un tueur. Un tueur d'idéologie, un tueur d'héritage, un tueur de concept.»

Rappelons que la Ville de Québec avait décidé de démolir la sculpture de 6,5 mètres de haut après l'avoir jugée non sécuritaire et irrécupérable, se basant sur un avis d'expert du Centre de conservation de Québec.

Présente à place de Paris, Sabrina Clitandre, une professeure en histoire de l'art qui a enseigné à Philip Després, se réjouissait de l'initiative du jeune homme. L'oeuvre Dialogue avec l'histoire est d'ailleurs un «cas d'étude» dans son cours, en raison de son statut de «mal-aimée». 

Mme Clitandre déplore l'attitude du maire Labeaume, qui a, selon elle, fait preuve de subjectivité en choisissant de détruire aussi rapidement et sans aucune récupération l'oeuvre de M. Raynaud. «C'est la "dictature du bon goût"» dans l'art, et cela crée un précédent peu rassurant, estime la professeure.

Interrogé après sa performance - qui a duré cinq heures -, Philip Després était satisfait de la réaction des gens, majoritairement positive. «Ma performance visait avant tout la population. Tant mieux si ça peut atteindre le maire Labeaume», indique l'artiste, qui n'exclut pas de refaire une performance si «l'actualité» le justifie.

<p>Ce pochoir représentant l'oeuvre Dialogue avec l'histoire a été repéré à trois endroits jusqu'à maintenant.</p>

Ce pochoir représentant l'oeuvre Dialogue avec l'histoire a été repéré à trois endroits jusqu'à maintenant.

(Le Soleil, Patrice Laroche/Le Soleil, Patrice Laroche)

Mystérieux pochoirs et pétition

Par ailleurs, de mystérieux pochoirs représentant l'oeuvre Dialogue avec l'histoire sont apparus à certains endroits dans le centre-ville de Québec. 

Le Soleil en a aperçus à la Place de Paris, où se trouvait la sculpture auparavant, ainsi que sous les bretelles de l'autoroute Dufferin-Montmorency et au Jardin Saint-Roch.

L'auteur, qui souhaite conserver l'anonymat, serait devenu complice du Collectif de défense du Dialogue avec l'histoire, indique au Soleil Emmanuel Galland, l'un des instigateurs du collectif.

Le groupe a d'ailleurs mis en ligne une pétition afin de reconstruire et de réimplanter l'oeuvre de M. Raynaud le 31 août 2017, 30 ans jour pour jour après son inauguration. La pétition avait recueilli 948 signatures en fin d'après-midi hier, dont plusieurs de France, signale M. Galland. Elle devrait être transmise au maire Labeaume «cette semaine ou au début de la semaine prochaine».

Pour voir la pétition : goo.gl/p6lvv2