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Travaux publics et services gouvernementaux Canada (TPSGC) devait procéder l'an dernier à des travaux de maçonnerie sur la façade de l'édifice Louis S. St-Laurent donnant sur le passage piétonnier du Chien-d'Or, lequel relie la côte de la Montagne à la rue du Fort, juste à côté du monument de monseigneur de Laval.
C'est là qu'est installé, depuis plus d'un siècle, le bas-relief du Chien d'or, dont les origines remontent beaucoup plus loin. L'élément décoratif, qui fait 100 centimètres de long sur 90 centimètres de large, date de 1688. Il a d'abord été apposé sur une maison construite par Timothée Roussel, propriétaire de plusieurs lots dans la rue De Buade. La résidence est revendue en 1734 au marchand Nicolas Jacquin dit «Philibert», qui y est assassiné. Se succèdent ensuite plusieurs propriétaires, dont des francs-maçons qui en font leur lieu de rencontre à Québec.
Quand un bureau de poste est érigé sur le site, en 1872, l'oeuvre d'artiste inconnu est intégrée au bâtiment public. Elle va résister aux transformations majeures entreprises entre 1912 et 1919, alors que l'Hôtel des Postes est agrandi et remis au goût du jour, plus Beaux-Arts que Second Empire.
Il faut dire que la population a exigé sa conservation, raconte Jean-François Caron, historien à Parcs Canada. «Déjà, les gens à l'époque étaient conscients de la valeur patrimoniale du Chien d'or et de cette pierre-là», dit le spécialiste, qui n'hésite pas à la classer parmi les plus anciennes pierres de Québec.
Avant les plus récentes rénovations, Le chien d'or n'avait donc pas bougé depuis environ 100 ans, évalue Jean-Benoît Saint-Laurent, architecte et gestionnaire du programme de conservation du patrimoine de TPSGC. Vu d'en bas, le museau paraissait abîmé, et l'ensemble manquait d'éclat. Il a été convenu de l'envoyer au Centre de conservation du Québec pour une restauration, qui a coûté 9000 $ comparativement à 300 000 $ pour la maçonnerie.
Heureuse surprise
En décrochant le précieux bien, les intéressés ont eu l'heureuse surprise de constater que la pierre - du calcaire provenant de la pointe aux Trembles de la formation de Fossambault, dans Portneuf - était plus épaisse et en meilleur état qu'anticipé. «Il y a quelques microfissures, mais rien de majeur», témoigne M. Saint-Laurent.
Au point où la restauratrice Isabelle Paradis n'a pas cru bon de retravailler le museau. Elle a tout simplement nettoyé la pierre avec un petit pistolet à pression, puis elle s'est mise à la recherche d'or.
Car il faut savoir que le chien n'a pas toujours été aussi flamboyant. Dans ses mémoires publiées en 1866, Philippe Aubert de Gaspé note que le chien n'était pas doré quand il était enfant, rapporte M. Caron. Le capitaine John Knox, qui a participé aux batailles des plaines d'Abraham et de Sainte-Foy en 1759 et 1760, n'en fait pas mention non plus.
Mme Paradis a bel et bien trouvé des feuilles d'or sous plusieurs couches de bronzine, cette peinture contenant de la poudre de cuivre utilisée comme dorure. C'était un soulagement pour la restauratrice, car il était prévu de remettre une pellicule d'or et elle souhaitait que l'intervention soit historiquement justifiée.
Mme Paradis a aussi examiné le bas-relief en quête de la signature d'un maçon ou des marques d'un tailleur de pierre, mais elle n'a rien trouvé. Des trous laissent toutefois deviner qu'il a déjà été retenu avec des attaches en fer forgé.
Le chien d'or a finalement passé cinq semaines à l'abri dans les ateliers du Centre de conservation, dans le parc industriel Jean-Talon. Une fois décapé, il a été recouvert d'une peinture jaune et de nouvelles feuilles d'or double épaisseur de 23 carats.
Durable
Ce métal est très durable, même dehors, même l'hiver, assure Jean-Benoît Saint-Laurent, qui estime que le Chien d'or pourra ronger son os sans être dérangé pendant environ 50 ans. Pour lui, c'est un bon coup : «L'effet flash de l'or sur le bâtiment, ça fait toute la différence.»
René Bouchard, directeur du Centre de conservation, admet qu'il a vécu «un petit moment de bonheur» quand il a vu Le chien redoré. «Ah la la, c'était une pure merveille!», s'exclame-t-il en entrevue. «Moi, ça faisait longtemps que je le regardais d'en bas en espérant un jour l'examiner de proche. Encore mieux que ça : on l'a restauré!» se pince encore Mme Paradis.
Jean-François Caron, lui, se réjouit de cette nouvelle vie offerte au Chien d'or et n'hésite pas à dire qu'il a «une valeur de repère dans le paysage urbain de Québec». Et une place bien spéciale dans le coeur des amoureux du patrimoine, a-t-on pu constater.
Un roman qui a mis Québec sur la carte
C'est le roman de William Kirby, The Golden Dog (Le chien d'or), qui a fait la renommée du bas-relief de Québec et de toute la ville en même temps.
Ce journaliste et écrivain canadien anglais a été intrigué par l'ornement de façade de l'Hôtel des Postes lors d'un voyage dans la capitale en 1839. Pour en savoir plus, il consulte l'historien Benjamin Sulte et le livre Maple Leavesde James McPherson Lemoine, président de la Société royale canadienne, qui recense quelques récits typiques de la Nouvelle-France, dont celui du Chien d'or et de la Corriveau.
Kirby puise dans cette matière riche et dans l'histoire de la Nouvelle-France pour imaginer une intrigue politico-amoureuse mettant Québec en scène. Son livre, dont la première édition a été publiée en 1877, a connu un grand succès populaire malgré ses nombreux anachronismes.
«Kirby va tout mélanger. C'est dommage parce que les gens lisent ça et ils pensent que c'est la vraie histoire», déplore l'historien Jean-François Caron.
N'empêche, le livre a mis Québec sur la carte. Best-seller aux États-Unis et au Canada anglais - la traduction française n'a pas eu le même succès -, The Golden Dog attire des touristes dans la capitale. Touristes qui vont se mettre à la recherche du toutou qu'ils ont vu en médaillon sur la couverture du bouquin et qui se retrouve dans tous les guides touristiques.
«Tout le monde veut voir Le chien d'or», souligne M. Caron. Et repartir avec un souvenir. Au début des années 1900, les boutiques du Vieux-Québec vendent des cartes postales, des assiettes, des cuillères, des heurtoirs reproduisant le bas-relief. M. Caron, qui se décrit lui-même comme un «maniaque» du Chien d'or, a récupéré plusieurs de ces objets qu'il conserve précieusement à la maison.