L'Association médicale du Québec (AMQ) explique en majeure partie cette mauvaise utilisation des fonds publics par un nombre trop élevé et non pertinent de prélèvements, d'examens, d'analyses sanguines et de traitements, mais aussi de réadmissions à l'hôpital, d'hospitalisations prolongées en raison d'une infection acquise à l'hôpital ou d'un incident évitable.
Selon le président de l'Association, le DrLaurent Marcoux, il revient aux médecins de revoir leur pratique pour diminuer le surdiagnostic, le surtraitement et non aux administrateurs et au gouvernement. «On peut dénoncer que l'appareil administratif de la santé fait défaut. Il y en a plusieurs qui le font. Certainement qu'il y aurait du ménage à faire de ce côté pour mieux utiliser les argents publics et pour donner des meilleurs services aux patients», a-t-il commenté, hier, au Soleil, en marge d'un symposium sur le surdiagnostic.
Patients à éduquer
Les médecins ne sont pas les seuls responsables de la mauvaise utilisation des ressources. Les patients qui demandent bien souvent davantage d'examens et de traitements doivent aussi être mis à contribution. «Le patient peut être frustré si on lui refuse un examen. Il ne l'acceptera pas. Il va aller voir un autre médecin. Il faut amener le patient à comprendre pourquoi on ne fait pas telle investigation tout de suite», a dit le Dr Marcoux.
«Ne serait-ce qu'on atteindrait que la moitié du 5 milliards $ dans un avenir assez rapproché. On pourrait réallouer une partie des économies aux enfants de deux à quatre ans, par exemple, qui attendent pour des évaluations pour les troubles de comportement. C'est un sujet qui me préoccupe beaucoup», a-t-il suggéré.
Choisir avec soin
On a également profité du symposium pour lancer une nouvelle campagne de sensibilisation auprès des médecins et des patients pour revoir certaines pratiques. Le site www.choisiravecsoin.org présente une liste de 40 examens et traitements qui pourraient apporter des économies importantes.
Un des exemples de surdiagnostic est un examen de radiographie ou de résonnance magnétique pour un mal de dos. «Une personne qui a mal au dos peut avoir eu sept ou huit radiographies ou examens de résonance magnétique au cours de sa vie et ça n'a rien changé à son mal de dos. Maintenant, pour les lombalgies, on recommande de ne pas faire d'imagerie médicale avant au moins six mois à moins qu'il y ait des signes d'alarme, si la personne a des symptômes associés, a perdu du poids», a expliqué le Dr Marcoux.
En plus de coûter cher, les examens diagnostiques en trop ne sont pas sans conséquence sur les patients, a-t-il souligné. «Ils ont tous un effet de mauvaise qualité. Ils mettent le patient à risque. Il y a eu des milliers de radiations inutiles qui peuvent avoir des conséquences très fâcheuses, pas immédiatement, mais 5, 10, 15 ans après, et développer un cancer parce que le patient a été trop irradié», a ajouté le médecin.
Avec cet exemple et bien d'autres, le président de l'AMQ est persuadé qu'il ne manque pas d'argent dans le réseau de la santé au Québec contrairement à bien des affirmations. «L'argent est tout simplement mal utilisé. Les modes d'allocation des budgets sont archaïques, les mécanismes de reddition de comptes insuffisants, les outils d'évaluation de la performance quasi inexistants. Il est grand temps de cesser de se demander par quels moyens on devrait pomper plus d'argent dans notre système. On doit plutôt s'interroger sur les moyens à prendre pour en augmenter l'efficacité et l'efficience», a écrit le Dr Marcoux dans une communication précédente.