Nicolas Bellavance-Lecompte: de la baie de Gaspé à Milan

Le designer Nicolas Bellavance-Lecompte

Nicolas Bellavance-Lecompte est issu d'une famille québécoise bien enracinée ici. Sa prime jeunesse, il l'a vécue en Gaspésie auprès de parents au passé beatnik qui ont connu et apprécié la mouvance. Visiblement, l'élève a dépassé les maîtres.


Aujourd'hui, le jeune homme partage son coeur et ses talents de créateur entre l'Italie et le Liban après avoir résidé quelques années en terre germanique. Et du haut de ses 34 ans, ce n'est pas la baie de Gaspé qui peut se targuer de l'avoir tenu en place le plus longtemps, mais bien Milan, la ville où il se trouve actuellement.

Trois pays, trois produits



Au Québec, c'est au cofondateur de la petite société Samare que les mordus de design associent le nom de Nicolas. «En 2006, raconte le designer, je faisais la navette entre Montréal et Milan à la recherche d'un projet qui puiserait dans notre artisanat local, notre culture et nos techniques ancestrales. Il me semblait que, comme les Néerlandais et les Scandinaves, on devrait pouvoir réinterpréter notre patrimoine d'une manière contemporaine intelligente, ironique et sympathique. J'ai invité trois anciens compagnons d'études à venir au Salon du meuble de Milan. On a développé des idées, ils ont flashé et, peu de temps après, Samare est née.»

Avec Samare, la babiche et la ceinture fléchée ont été méticuleusement décortiquées et réinterprétées pour se faire mobilier contemporain et tapis feutrés.     En parallèle avec ce projet, Nicolas a créé à Milan le studio de design d'objets OEuffice en collaboration avec Jacub Zak, concepteur originaire de Vancouver. Et pour ajouter un peu de piquant à l'aventure, à Beyrouth, il a aussi cofondé avec une architecte locale une galerie nommée Carwan. «Tous les objets qui sont présentés à la galerie sont produits pour l'événement par des designers invités et des artisans spécialisés réunis autour d'une même idée.»

Avant de se poser en sol libanais, dans le branché quartier Clémenceau, la galerie a fait ses preuves pendant trois ans sur une base itinérante en prenant part aux foires d'art et de design les plus prestigieuses du monde - Art Basel à Miami, Design Days Dubaï - et en réalisant des installations à México, au Qatar et en Arabie Saoudite.

<p>Inspirée des structures bétonnées propres à l'architecture et produite par le studio OEuffice, l'unité de rangement totémique Centina fait appel au bois de chêne.</p>

Inspirée des structures bétonnées propres à l'architecture et produite par le studio OEuffice, l'unité de rangement totémique Centina fait appel au bois de chêne.

(Photo fournie par Nicolas Bellavance-Lecompte/Photo fournie par Nicolas Bellavance-Lecompte)

Bouger, un peu, beaucoup, longtemps



Le virage vers tous les possibles a eu lieu en 2001, à l'institut d'architecture de Venise où Nicolas a terminé un bac en collaboration avec l'Université de Montréal. «Après, dit-il, je suis allé vivre à Berlin pendant trois ou quatre ans pour mes études en maîtrise avant de travailler pour Thomas Demand, artiste contemporain allemand. Quand on a un peu la connaissance des langues - soit le français, l'anglais, l'italien et un peu d'allemand -, c'est facile en Europe de tirer son épingle du jeu dans les milieux créatifs.»

Être un incubateur d'idées, savoir créer des synergies entre les bonnes personnes et ne jamais douter que les rêves peuvent devenir réalité : les grandes forces de Nicolas n'ont pas de frontières. C'est ce qu'ont reconnu en lui des publications telles qu'Architectural Digest, L'Uomo Vogue, Wired et The New York Times Magazine.

«C'est souvent un mélange de rationnel et d'irrationnel qui me fait prendre des décisions, constate-t-il. Travailler entre l'Europe, le Moyen-Orient et l'Amérique du Nord offre des possibilités qui ne se présenteraient pas si j'étais resté au Québec, où le marché du luxe se révèle beaucoup plus limité. Quand je parle de luxe, je ne fais pas référence à l'or et aux diamants, mais au travail d'artisans hautement qualifiés pour la production d'objets uniques, complètement en dehors des marchés industrialisés.»

Nicolas Bellavance-Lecompte est un optimiste. Il termine en faisant l'éloge de Pierre Laramée, fondateur de la défunte galerie Commissaires, qui a beaucoup fait pour éveiller le goût des Montréalais pour le design d'objets. «Montréal n'était pas prêt pour ça, mais ça viendra!»

<p>Inspirés de la ceinture fléchée, les tapis du collectif Samare ont été produits en collaboration avec les designers belges Antonin Bachet et Linda Topic.</p>

Inspirés de la ceinture fléchée, les tapis du collectif Samare ont été produits en collaboration avec les designers belges Antonin Bachet et Linda Topic.

(Photo fournie par Nicolas Bellavance-Lecompte/Photo fournie par Nicolas Bellavance-Lecompte)

Nicolas Bellavance-Lecompte sur...

... le Québec



«Je m'ennuie des bagels, du saumon fumé et du crabe des neiges. Plus sérieusement, la distance, la chaleur, la générosité, l'accessibilité, l'humilité, la bonne humeur et l'ouverture aux autres cultures des Québécois m'apparaissent plus flagrantes.»

... l'Italie

«Être méditerranéen, c'est vivre dans une espèce de chaos organisé sympathique. Ce qui m'a séduit de l'Italie, c'est d'abord la facette d'esthètes des Italiens, qui aiment tellement manger, s'habiller...»

... le Liban

«Comme plusieurs villes qui ont vécu la guerre, Beyrouth est un formidable moteur de liberté, d'énergie et de créativité. J'y trouve des similitudes avec la vie que j'ai connue à Berlin. Mais Beyrouth contient aussi de ce luxe qui habite Milan. Cette ville francophone, anglophone et arabophone compte beaucoup de points communs avec Montréal.»

... sa maison

«Les pays en bordure de la Méditerranée sont de formidables terres d'accueil. Je m'y sens à la maison. Plus qu'à Montréal souvent. Bien sûr, j'ai hérité du syndrome des expatriés qui se sentent partout un peu étrangers, mais je trouve ça stimulant. Je travaille à mon intégration de plusieurs manières, par la connaissance de la langue, mais aussi par celle de la politique locale, par exemple.»

... l'avenir



«Je vis d'abord le moment présent. J'aime me laisser porter où je me sens stimulé, où je sens que je peux me réaliser. Dans 10 ans, je serai peut-être au Brésil ou en Afrique. Ou peut-être au Québec, auquel je suis très attaché. Toutes les portes sont ouvertes.» 

Sur Internet : carwangallery.com; oeuffice.com