L'Isle-Verte: Claude Fraser, au coeur de la tempête

Dans la nuit de Noël de 1966, le gardien Claude Fraser et deux de ses collègues s'apprêtaient à partager une dinde rôtie dans le phare du Haut-Fond Prince, situé à l'embouchure de la rivière Saguenay. Le repas festif s'est transformé en scène de fin du monde lorsqu'une tempête d'une puissance inégalée s'est abattue sur eux.


Jusqu'à tout récemment, le marin de 82 ans décédé dans l'incendie de la Résidence du Havre racontait, non sans douleur, l'épisode où il avait failli mourir. «Ça a été un tournant dans sa vie», évoque le responsable du musée du phare de L'Isle-Verte, Jean Cloutier. Ce pilote de navires, passionné par l'histoire des phares, a souvent entendu le récit de M. Fraser.

Et selon lui, jamais la météo ne s'est autant déchaînée qu'au cours de cette nuit tragique. Les vagues, de près de 13 mètres de haut, léchaient le phare en forme de toupie jusqu'à sa plateforme. Les trois hommes ont été forcés de se réfugier dans le fond de la structure dans l'attente des secours. Celle-ci fut interminable : l'hélicoptère ne pouvait pas se déplacer dans de telles conditions. Les gardiens furent forcés de patienter jusqu'au lendemain pour regagner la terre ferme.

Claude Fraser a bien tenté de retourner travailler sur les lieux du drame. Mais il en a été incapable, raconte Jocelyn Lindsay, fils d'une famille qui a veillé pendant quatre générations sur le phare de L'Isle-Verte. «C'était une force de la nature qui a été confrontée aux forces de la nature», illustre-t-il. Traumatisé par l'expérience, le gardien a réorienté sa carrière pour devenir pilote de la Garde côtière.

Selon son frère Étienne, il trouvait le temps long depuis qu'il n'avait plus la forme pour naviguer. Veuf et sans enfant, Claude Fraser vivait depuis quelques années à la résidence qui a été ravagée par les flammes. Dans sa chambre, il avait précieusement conservé une réplique miniature du phare du Haut-Fond Prince, qu'il avait lui-même confectionné à l'époque où il le gardait.