Alexandre Paul est arrivé par avion peu avant 15h30 à l'aéroport Pierre-Elliot Trudeau, accueilli par ue meute de journalistes et ses proches.
«Oui, je le referais. Donnez-moi deux semaines de vacances et je suis prêt à repartir», a lancé M. Paul lorsqu'on lui a demandé s'il mettrait de nouveau le cap sur la Russie en étant conscient des risques associés aux coups d'éclat caractéristiques de Greenpeace.
«Je pense qu'il y a vraiment encore un énorme travail à faire (sur le plan de la défense de l'environnement)», a-t-il laissé tomber en entrevue avec La Presse Canadienne.
«Je n'ai pas de famille vraiment, pas de potentiel de famille, je ne suis pas marié, je n'ai pas d'enfants, alors j'y vois une certaine forme de contribution, une recherche d'une certaine forme d'immortalité en tant qu'individu», a poursuivi Alexandre Paul alors que ses parents, des membres de sa famille et des amis l'attendaient à l'extérieur du terminal.
Ses parents pouvaient bien patienter quelques minutes supplémentaires.
Après tout, ils l'auront attendu beaucoup plus longtemps - environ une centaine de jours, dont plus de 60 passés à se ronger les sangs en se demandant comment leur fils unique composait avec sa situation, s'il était traité convenablement par les autorités carcérales, mais aussi, à attendre en vain une intervention publique du gouvernement fédéral.
Sa mère outrée
Sa mère, Nicole Paul, a d'ailleurs de nouveau dénoncé l'inaction du gouvernement Harper. Selon elle, Ottawa n'a rien fait pour aider son fils à se sortir de ce guêpier.
«Le travail du gouvernement canadien? Je n'en ai pas vu, à part les services au niveau consulaire. Je suis très, très déçue par le gouvernement de M. Harper», a déclaré Mme Paul.
Même son de cloche du côté du militant âgé de 35 ans, qui s'est demandé si les velléités du Canada sur le plan de l'exploitation pétrolière pouvaient expliquer en partie sa discrétion dans ce dossier.
«Le Canada a probablement des intentions de «driller» dans l'Arctique dans les prochaines années. Si le bateau avait tourné à gauche au lieu de tourner à droite en sortant du port d'Amsterdam, peut-être que c'est le gouvernement canadien qui nous aurait mis sous arrestation», a exposé M. Paul, qui aura passé un total de 68 jours en prison.
À la défense de l'Arctique
Alexandre Paul avait été arrêté en compagnie de 29 autres personnes à la mi-septembre alors qu'il se trouvait à bord du brise-glace de Greenpeace International, l'Arctic Sunrise.
L'objectif de cette mission dans l'Arctique russe était d'attirer l'attention sur les risques environnementaux liés aux forages dans la région, mais elle a pris fin de façon abrupte lorsque des officiers armés de la Garde côtière russe ont arraisonné le vaisseau.
Les forces de sécurité ont procédé à cet arraisonnement après que des militants de Greenpeace eurent tenté d'escalader une plateforme de forage du géant russe énergétique Gazprom.
«Il est certain que la réaction des Russes a été complètement disproportionnée [...] Ils ont tenté clairement de nous bâillonner, de nous lancer un message et de nous donner une leçon», a fait valoir Patrick Bonin, responsable de la campagne Arctique de Greenpeace, qui était sur place pour souhaiter la bienvenue au rescapé.
Il a assuré que l'organisation continuerait de faire de la désobéissance civile et qu'elle suivrait de près les activités d'exploitation pétrolière en Arctique.
Alexandre Paul et un autre Canadien, l'Ontarien Paul Ruzycki, ont été détenus pendant plus de deux mois avec les autres militants de Greenpeace avant d'être libérés il y a quelques semaines dans l'attente de leur procès.
Ils ont d'abord été accusés de piraterie, un délit passible d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à 15 ans. C'est au moment où ces accusations sont tombées que le moral d'Alexandre Paul s'est effondré.
«Réaliser que mes parents n'en avaient peut-être pas pour quinze (années à vivre), c'est ça qui m'a fait le plus paniquer», s'est-il souvenu.
La gravité des accusations a finalement baissé d'un cran. Vers la fin octobre, les militants ont appris qu'ils étaient désormais accusés de «hooliganisme», charge qui peut valoir jusqu'à sept années sous les verrous.
C'était quelques semaines avant le coup de théâtre de Vladimir Poutine: à la surprise générale, le président russe a annoncé qu'il accordait sa grâce à une certaine catégorie de détenus.
Le 18 décembre, la chambre basse du parlement de la Russie, la Douma, a adopté à l'unanimité la loi d'amnistie, qui a également mené à la libération de l'ancien magnat russe du pétrole Mikhaïl Khodorkovski et de deux membres du groupe punk Pussy Riot, Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina.
La manoeuvre a été considérée par de nombreux observateurs comme une façon de taire les critiques sur le bilan de la Russie au chapitre des droits de la personne à l'approche des Jeux olympiques de Sotchi, qui se tiendront en février.
À son arrivée devant ses proches et les médias, Alexandre Paul a d'ailleurs remercié ironiquement le Comité international olympique (CIO) d'avoir jeté son dévolu sur la ville balnéaire située en bordure de la mer Noire.
«C'est probablement ça qui est plus responsable du fait que j'ai été libéré», a-t-il laissé tomber avec un sourire en coin.
Les détails du retour de l'autre Canadien qui avait été incarcéré en Russie, Paul Ruzycki, n'ont pas été divulgués puisque ce dernier souhaite passer du temps seul avec ses proches avant de s'adresser aux journalistes.
Il devrait cependant être de retour au pays vendredi soir, a indiqué l'organisation environnementale.