Le texte qui suit a été écrit dans un souci de ne pas briser la magie entourant la chasse aux lutins. Nous préférons vous en avertir.
Votre enfant revient émerveillé de l'école ou de la garderie, parlant d'un lutin qui joue de mauvais tours la nuit. Probablement qu'un autre de ces lutins rejoindra votre demeure dans les jours suivants, après un détour fait chez un détaillant qui offre des accessoires de Noël (magasins de jouets, grandes surfaces, fleuristes, pharmacies, etc.).
Une trentaine de dollars sera, en moyenne, nécessaire pour les attirer.
Les lutins de Noël envahissent les chaumières du Québec par les temps qui courent, après avoir gagné depuis six ans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Tout a commencé dans la cour de Régis Tremblay, un grand-père de Métabetchouan (lire texte ci-dessous).
La nouvelle s'est vite répandue dans les cours d'école de la province: il est possible de «chasser» des lutins! Suffit d'un piège (et d'un peu d'imagination).
Une fois piégés, ils se joignent à votre petite famille jusqu'au 24décembre, après quoi ils retournent auprès du père Noël pour l'aider à distribuer ses cadeaux.
Fait particulier: les lutins restent figés à la lumière. Mais la nuit, par contre, ils multiplient les coups pendables, ce qui n'est pas sans rappeler la crainte suscitée par le Bonhomme Sept Heures. Les enfants retrouvent ainsi les lutins au petit matin près de vêtements éparpillés dans la maison ou d'un gribouillis dans une fenêtre. Les parents sont les premiers surpris par ces écarts...
Le phénomène a été amplifié par le bouche-à-oreille et Facebook, où des parents partagent les ravages de leurs lutins et des trucs pour les «attraper». Les groupes Facebook «Les lutins du père Noël» et «La magie des lutins de Noël» dénombrent, à eux seuls, plus de 7800 et 5000 passionnés.
La «chasse» de lutins en est à sa deuxième année à Québec et a pris de l'ampleur dans les dernières semaines. Plusieurs détaillants de la région ont compris qu'ils étaient recherchés par les jeunes familles, après s'être fait dévaliser l'an passé.
Propager la légende
Certains comme le Club Jouet étaient prêts à répondre à la demande l'an dernier. «On a fait connaître la légende des lutins aux gens de Québec, parce que c'était pas quelque chose qui était beaucoup connu ici. Cette année, il y a beaucoup de détaillants qui ont embarqué dans la vague à la suite du succès que l'on voit au Saguenay-Lac-Saint-Jean», explique la directrice générale, Paule Rancourt.
Celle-ci y voit une mode «mieux adaptée» aux générations d'aujourd'hui. «Les lutins, ça permet de créer une activité au lieu de seulement être gentils "sinon t'auras pas ton cadeau du père Noël". Ça oblige la créativité et l'imagination et ça fait embarquer les parents, qui trouvent ça plus cool.»
Au magasin Benjo dans Saint-Roch, on note également un «engouement qui stimule l'imagination des enfants et des parents». «Des fois, le père Noël, on ne sait plus quoi dire», glisse la responsable des achats saisonniers, Marie-Hélène Pagé.
«Les gens débarquent en disant: "J'ai besoin de trois lutins." J'ai jamais vu ça», ajoute-t-elle, en associant les petites créatures à son «meilleur Noël» en termes de ventes.
Chez Club Jouet, 150 lutins sont «adoptés» chaque jour depuis deux semaines. Il s'agit même de l'article qui sort le plus du magasin. «Souvent, les gens viennent que pour ça», remarque Paule Rancourt.
Elle se rappelle même avoir vu, l'an dernier, des «batailles» entre adultes pour mettre la main sur le dernier lutin.
Marie-Hélène Pagé croit pour sa part qu'on n'en a pas fini avec ces lutins. «C'est une tendance qui va durer encore longtemps. C'est quelque chose de plaisant à alimenter. Les enfants vont s'en rappeler et vont le transmettre à leurs propres enfants», prédit-elle.
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L'origine d'une légende
«C'est des traces de lutins.» La légende des lutins de Noël est née il y a six ans de cette simple réponse de Régis Tremblay à ses deux petits-fils.
Les deux enfants venaient de s'interroger sur des traces de pas dans la neige. M. Tremblay est devenu, sans trop le savoir, le «grand-père» des lutins qui font une entrée massive dans les nouvelles traditions de Noël.
L'imaginaire des lutins est demeuré fidèle à son idée originale, après que des milliers de familles aux quatre coins du Québec et du Canada se le soient approprié. Des gens de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick l'ont récemment contacté pour en savoir plus sur ces lutins. Un homme de la France, aussi.
Garder la magie
M. Tremblay, qui vit à Métabetchouan-Lac-à-la-Croix, craint que la popularité de la légende ne tue la magie. «Moi, ce que je veux, c'est qu'on respecte les enfants», souligne-t-il, en précisant qu'il ne «retire rien» de l'aventure à part les ventes de deux livres qu'il a lancés dans la foulée.
C'est pourquoi il insiste sur un principe essentiel: «Un lutin, ça se vend pas, ça s'attrape.» L'homme de 56 ans souhaite que la féérie perdure, à l'image des «Noëls d'autrefois sans cadeaux». «On s'amuse, on fait des coups, mais c'est de l'amour qu'on donne aux enfants», résume-t-il.