Le ministre a appelé au calme, jeudi, lors de la période des questions à l'Assemblée nationale et en point de presse après. «Quand je vois de l'intimidation, que ça s'enflamme dans des médias, dans des radios à Québec et ailleurs... Attention, mettons les choses en perspective», a lancé M. Gaudreault, demandant de «changer de registre» et de «slacker la pression». Il visait notamment les députés de l'opposition Éric Caire et Sam Hamad, qu'il a accusés de «jouer aux chroniqueurs de Radio X».
Adoptant un ton très calme, le politicien a dit n'avoir «jamais exclu» l'option du covoiturage dans les voies réservées. «Sur Henri-IV, nous sommes à l'étape des études d'opportunité qui vont nous conduire aux plans et devis et dans lesquels nous aurons à prévoir des voies réservées pour le covoiturage également», a-t-il avancé.
Agnès Maltais, ministre responsable de la Capitale-Nationale, a dit que «peut-être ça n'avait pas été exprimé clairement, je le sais pas, mais c'était très simple pour nous autres, c'était même une évidence».
Quant à Robert-Bourassa, la décision de réserver des voies aux seuls autobus, taxis et véhicules d'urgence sera révisée dans le cadre d'une étude plus large sur le covoiturage qui s'amorcera sous peu avec la Ville de Québec.
Trop risqué, selon une étude
Une étude de fonctionnalité menée par les ingénieurs du ministère des Transports du Québec (MTQ) a déjà statué qu'il serait trop risqué de permettre aux automobiles avec plusieurs passagers à bord d'emprunter ce corridor. Comme celui-ci est situé au centre de la chaussée, les conducteurs devraient faire de multiples changements de voies pour y accéder ou en sortir, ce qui affecterait la fluidité et augmenterait les risques d'accidents.
Selon le MTQ, cette décision a été prise au printemps 2011, alors que les libéraux étaient au pouvoir et Sam Hamad, ministre des Transports. Or, cette semaine, M. Hamad accusait justement ses vis-à-vis péquistes d'avoir torpillé le covoiturage.
Jeudi, ni M. Hamad ni son successeur aux Transports, Pierre Moreau, n'ont parlé au Soleil. Passant par Mathieu St-Pierre, attaché de presse de l'aile parlementaire libérale, ils ont toutefois réfuté avoir été aux commandes quand le covoiturage a été largué. «Il y avait des complications, mais c'était faisable», a déclaré plus tôt cette semaine M. Hamad.
Le maire de Québec, Régis Labeaume, a lui aussi appelé au calme, jeudi. «Je dirais à tout le monde que s'il y avait des accidents, il y a des responsabilités qui seraient imputées à bien des gens.» Le maire sous-entendait les conducteurs fautifs eux-mêmes, mais aussi «tous ceux et celles qui les incitent». «Ne vous laissez pas embarquer dans la démagogie», a-t-il lancé.
Régis Labeaume dit comprendre que les gens soient révoltés que le gouvernement s'entête à vouloir implanter des voies réservées sur Henri-IV, mais «c'est pas une bonne raison pour faire des mauvais coups sur Robert-Bourassa».
Le maire dit toujours espérer qu'on puisse permettre le covoiturage dans les voies réservées sur cette artère. La Ville attend que le ministère des Transports lance l'étude. «Le contrat n'est pas encore signé aux dernières nouvelles. C'est lent.»
******************
Une option adoptée ailleurs
Des voies réservées accessibles au covoiturage et situées au centre d'une autoroute, ça se peut. L'Ontario, le Massachusetts et la Californie le font. Les automobilistes qui s'y aventurent doivent toutefois être certains de leur coup, car une fois engagés, ils ne peuvent en sortir. Des bandes rugueuses, des cônes en plastique ou des murs en béton empêchent en effet les allers-retours avec les voies régulières. Les risques d'accidents sont ainsi diminués, la fluidité n'est pas menacée et le contrôle policier est facilité. À Boston comme dans la banlieue de Toronto, il faut être au moins deux pour utiliser les voies réservées aux véhicules à multioccupants. Sur certains tronçons, les autos électriques ou hybrides sont aussi bienvenues. En Californie, il est même possible aux conducteurs en solo d'y avoir accès à condition d'acquitter des droits d'entrée. Des barrières sont alors installées pour plus de contrôle.
Avec la collaboration de Stéphanie Martin, Michel Corbeil et de Simon Boivin