Loi sur les alcools: le Québec en retard, selon un expert

«Les lois datent de la prohibition dans les années 30. La loi sur les alcools au Québec est rétrograde. On est en train d'arriver à un point où ça porte atteinte à la liberté individuelle des consommateurs» - Philippe Wouters, spécialiste de la bière et éditeur du magazine Bières et plaisir

«La législation sur les alcools au Québec est rétrograde.» Philippe Wouters, spécialiste de la bière et éditeur du magazine Bières et plaisir participe au quatrième Festibière en tant que conférencier, et il n'hésite pas à réclamer une réflexion sur le rapport à l'alcool des Québécois.


M. Wouters, Québécois d'adoption natif de la Belgique, est d'avis que le Québec devrait repenser sa façon de légiférer en matière d'alcool. «Les lois datent de la prohibition dans les années 30. La loi sur les alcools au Québec est rétrograde. On est en train d'arriver à un point où ça porte atteinte à la liberté individuelle des consommateurs», a lancé M. Wouters, rencontré par Le Soleil sur le site du Festibière.

La question de l'alcool est sensible si on en prend pour preuve la récente résolution de jeunes libéraux montréalais, qui réclamaient une fermeture des bars à 5h30 plutôt qu'à 3h. L'idée, présentée devant la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec la fin de semaine dernière, a été rejetée, non sans faire l'objet d'un débat animé.



Philippe Wouters, lui, l'aurait appuyée. «J'étais en accord. C'est une connerie de dire que les gens vont boire plus parce que ça ferme plus tard. Le gars qui veut se saouler va se saouler quand même», a-t-il argué.

Manque de volonté politique

À l'instar des jeunes libéraux de Montréal, M. Wouters trouve problématique que tous les clients se retrouvent dans la rue à 3h du matin, tous en même temps. «Les policiers sont débordés. Je compare ça à une fosse aux lions où on ferait sortir tous les lions en même temps.»

Des dispositions de la Loi sur les permis d'alcool le dérangent également. La loi interdit entre autres aux personnes d'âge mineur de se trouver sur la terrasse d'un établissement licencié - qui n'offre pas de service de restauration - passé 20h, même accompagnées de leurs parents. Les microbrasseries servant uniquement de la bière font partie du lot. «C'est contre le tourisme. Comment voulez-vous expliquer à un touriste américain qui prend un coup tranquille sur la terrasse qu'il doit quitter la terrasse à 20h parce qu'il a un enfant? Quelle image est-ce que ça donne à la province?»



Selon M. Wouters, il manque de volonté politique actuellement pour légiférer en matière d'alcool. «Il n'y a pas de capital politique à faire», a-t-il soutenu.

L'ex-ministre libéral de la Sécurité publique, Robert Dutil, avait déposé le projet de loi 68 l'an dernier. Il visait notamment à accepter les mineurs accompagnés d'adultes sur les terrasses de bars jusqu'à 23h, plutôt que 20h. Cette partie du projet de loi avait suscité nombre de critiques, et n'a pas survécu aux amendements.

La bière égale au vin

La «mentalité nord-américaine» concernant l'alcool fait en sorte que les citoyens sont plus sévères à l'égard de la bière qu'à d'autres alcools, comme le vin, plaide par ailleurs M. Wouters. Selon lui, les consommateurs de bière de la province sont arrivés à maturité. «On n'achète plus de la bière parce que ça ne coûte par cher, on achète de la bière parce que c'est ça qu'on a envie de boire», a expliqué le «biérologue». «Il faut arrêter de penser que la bière ça va être forcément un show d'heavy métal ou un show rock où tout le monde boit de la canette», a-t-il poursuivi.

Selon lui, les amateurs de houblon sont prêts à dépenser et à se déplacer pour goûter de nouveaux produits offerts dans les microbrasseries des quatre coins de la province.

Pour lui, le Festibière est la preuve manifeste que les Québécois peuvent bien se tenir en consommant de la bière. L'organisation ne déplore aucun incident en quatre années d'existence, bien que les policiers soient parfois un peu plus occupés aux abords d'Espace 400e les soirs de Festibière.