L'organisation québécoise fête ses 10 ans d'existence cette année, mais on n'en a pas beaucoup entendu parler. Il faut dire qu'elle est tenue à bout de bras par son cofondateur Jean-Louis Thémistocle Randriantiana, mieux connu sous le nom de chef Thémis. Professeur à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ), il en a fait son projet de vie.
Lancée en 2003 avec sa conjointe Lucie, décédée depuis, l'initiative s'est peu à peu développée et a mené à ce jour à des missions dans deux pays, le Madagascar et le Bénin. La prochaine est prévue à Haïti en février 2014.
Chef Thémis a une maxime qui en dit long sur son approche : «À quoi sert la gastronomie si les trois quarts de la planète meurent de faim?» Ce qu'il fait? Il donne l'opportunité à des gens de la rue d'apprendre le métier de cuisinier pour leur permettre de gagner décemment leur vie. Et ça marche.
Pour sa première visite en 2006 à Madagascar, son pays d'origine qu'il avait quitté 30 ans plus tôt pour le Québec, il est débarqué avec ses casseroles, culs de poule et autres instruments de cuisine. Avec l'aide de religieuses, il a recruté 17 femmes dans la rue. «On a loué un local, on les a habillées, formées.» Un documentaire sur le projet a même été tourné par TV5.
L'histoire s'enchaîne...
De cette première cohorte, 15 ont effectivement travaillé. Au retour du chef sur l'île pour une nouvelle mission trois ans plus tard, elles avaient toujours un emploi. Par la suite, chef Thémis a réussi à recruter des volontaires pour le soutenir deux, trois ou quatre mois, cuisiniers à la retraite ou confrères de travail ayant pris une session sabbatique.
Dans la capitale Antananarivo, la pauvreté est galopante. Il s'installe dans les locaux d'un site fondé par le prêtre jésuite Jacques Couture, ex-ministre dans le premier cabinet de René Lévesque, «qui fait quelque chose d'extraordinaire avec les orphelins à qui il donne une formation».
L'histoire s'enchaîne alors. Des Béninois voient son site Web et le contactent. «Ils nous ont convaincus d'y aller en 2010, et il y a eu deux promotions depuis.» La même chose se produit avec Haïti où il devrait se rendre l'hiver prochain, alors qu'il prendra une session sabbatique.
Le chef cuisinier en convient toutefois, toute l'organisation repose sur ses épaules et sur quelques bénévoles. «Et c'est bien ça le problème, je suis à l'aise sur le terrain, mais je ne sais pas aller chercher des sous.»
Assurer la pérennité
À 60 ans, il aimerait assurer la pérennité de Cuisiniers sans frontières et lui assurer une permanence avec un petit bureau à Montréal. Il estime les besoins à 150 000 $ par année. CSF paie le billet d'avion à ses volontaires, une assurance et un per diem de 40 $ par jour. Pour l'instant, l'organisation a tenu grâce à de petites levées de fonds dans des écoles de cuisine, au soutien de diplômés de l'Institut, de religieuses et des soupers-bénéfices organisés avec le soutien de l'ITHQ.
Elle forme maintenant des formateurs et souhaite la création d'ONG locales pour leur permettre de voler de leurs propres ailes. Il est maintenant question de former aussi des serveurs et des aides-débarrasseurs.
«En 2006-2007, on a cogné à la porte de l'ACDI [Agence canadienne de développement international]. Mais pour eux, c'était des sommes ridicules, ils ne nous connaissaient pas. Je pense qu'on a frappé à la mauvaise porte.» Pourtant, dit-il, TV5 a eu des sous de l'organisme gouvernemental pour réaliser son documentaire.
Il dit comprendre maintenant qu'il faut «remplir des bibles» (des tonnes de paperasses) pour appuyer ses sollicitations. «On est rendus là. Notre force, c'est de prouver ce qu'on a fait, on a sorti 200 familles de la rue.»
Pour en savoir plus sur l'organisation, voir www.cuisinierssansfrontieres.org.